(Ottawa) Que ce soit un avion canadien ou américain qui soit parvenu à abattre des objets intrus dans l’espace nord-américain, l’important demeure le résultat, plaide Justin Trudeau. Ces incursions à répétition n’en sont pas moins « troublantes », signale-t-on du côté des Forces armées canadiennes.

« On est moins préoccupés par qui reçoit le crédit, et beaucoup plus préoccupés par le résultat », a affirmé le premier ministre en conférence de presse dans un hangar de l’aéroport de Whitehorse, au Yukon, avec en arrière-plan deux appareils des Forces armées canadiennes stationnés sur le tarmac enneigé.

Précisant que Washington et Ottawa avaient mené l’opération de samedi dernier conjointement, il a argué que c’était exactement la façon dont le Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD) devait fonctionner.

« Des avions de chasse canadiens et américains ont été lancés pour intercepter l’objet et ensuite l’abattre », et « la commande, c’était que celui qui avait la meilleure option puisse, le plus rapidement, abattre cet objet », a fait valoir le premier ministre.

« C’est un très bel exemple de comment [le NORAD] fonctionne bien », a-t-il conclu. Le déplacement du premier ministre au Yukon était prévu avant l’opération de destruction de l’objet volant au-dessus du territoire canadien par un avion de chasse du NORAD.

Il a cependant omis de mentionner que les avions de chasse canadiens ne sont toujours pas munis du type de missiles que l’armée américaine a utilisés pour abattre quatre objets volants non identifiés, même si l’armée canadienne en avait commandé 50 il y a plus de deux ans et demi.

Selon La Presse Canadienne, l’armée américaine a utilisé des AIM-9X pour abattre ces engins, dont celui au-dessus du Yukon. Le ministère de la Défense nationale confirme que les CF-18 ne sont pas encore armés de ces missiles.

Une note du Pentagone obtenue par CNN, lundi, indique par ailleurs que l’objet abattu dans le ciel du Yukon était un « petit ballon métallique avec une charge utile attachée en dessous ». Les autorités canadiennes n’ont pas confirmé cette information.

« Signal d’alarme »

Le Parti conservateur voit en ces intrusions répétées dans l’espace aérien canadien une preuve de l’inaction du gouvernement libéral en matière d’approvisionnement militaire. « C’est, en bon français, un wake-up call », a martelé le député Pierre Paul-Hus en point de presse.

« On sait que le contrat pour l’achat de F-35 a été reporté d’année en année […]. Les évènements des dernières semaines démontrent clairement qu’il y a des menaces potentielles d’autres pays », a-t-il enchaîné au micro dans le foyer de la Chambre.

Le chef bloquiste, Yves-François Blanchet, abonde et juge « inquiétant » ce qui se passe à l’heure actuelle dans le ciel de l’Amérique du Nord. « Ce n’est pas banal qu’on doive envoyer des avions de chasse abattre des objets qui volent au-dessus de l’espace du territoire nord-américain », a-t-il indiqué en point de presse.

« À l’évidence, il y a une tendance »

Quatre objets volants de formes diverses ont été abattus en l’espace d’environ une semaine dans le ciel nord-américain. « À l’évidence, il y a une tendance [pattern] », a commenté Justin Trudeau au sujet de ces incursions en série.

Sans contredire le premier ministre, le major-général Paul Prévost a argué que l’apparition du premier ballon chinois avait changé la donne, et que des engins volants avaient pu antérieurement échapper à la détection. « On porte plus attention aux objets non identifiés », a-t-il exposé en séance d’information technique.

Les efforts de localisation des débris des objets volants sont toujours en cours, mais ils ne seront pas simples, ont aussi averti les responsables des Forces armées et de la Gendarmerie royale du Canada au cours de la même séance. Au Yukon, par exemple, on doit passer au peigne fin environ 3000 km⁠2 de terrain accidenté, hostile et enneigé.

Pékin nie être derrière les trois derniers objets

La Maison-Blanche a défendu lundi l’abattage de trois objets non identifiés en autant de jours, convenant au passage que les responsables n’avaient aucune indication que les objets étaient destinés à la surveillance, comme l’était le ballon chinois à haute altitude qui a traversé l’espace aérien américain au début du mois.

Car ces objets, dont le dernier a été pulvérisé dimanche au-dessus du lac Huron, voyageaient à une altitude si basse qu’ils présentaient un risque pour le trafic aérien civil, a déclaré le porte-parole de la sécurité nationale de la Maison-Blanche, John Kirby.

Le gouvernement chinois continue à dire que son ballon a accidentellement dévié de sa trajectoire. Il n’a pas reconnu posséder les trois engins abattus subséquemment. Là-dessus, Ottawa dit ne pas être en mesure de contredire Pékin.

« On n’a pas réussi à établir le lien direct entre le ballon de surveillance chinois, dont on a la preuve, et les trois autres plus petits objets non identifiés », a affirmé le major-général Prévost.

avec l’Associated Press