(Ottawa) L’ancien ministre de la Sécurité publique Bill Blair admet que son cabinet a travaillé avec la GRC sur le projet de loi libéral pour resserrer le contrôle des armes à feu, annoncé en mai 2020, mais il assure que ces conversations n’avaient « aucun lien » avec les discussions sur la tuerie en Nouvelle-Écosse.

M. Blair répondait encore une fois mercredi aux questions sur les conversations qu’il avait eues avec la commissaire de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), Brenda Lucki, dans les jours qui ont suivi la tuerie d’avril 2020, et s’il avait fait pression sur elle pour que la GRC divulgue le type d’armes utilisées par le tueur.

Des allégations d’ingérence du gouvernement libéral ont été soulevées dans des documents déposés en preuve à la commission d’enquête publique sur la fusillade. On cite notamment des notes manuscrites du surintendant de la GRC en Nouvelle-Écosse Darren Campbell et une lettre à la commissaire Lucki rédigée par la directrice des communications stratégiques de la GRC Lia Scanlan.

M. Blair et Mme Lucki ont tous deux nié que le gouvernement libéral ait exercé des pressions pour que la police fédérale divulgue la nature des armes utilisées lors de la tuerie. Ils assurent aussi que ni eux ni la GRC en Nouvelle-Écosse n’ont divulgué cette information à la population avant qu’elle ne soit rapportée par les médias en novembre 2020.

Pour Bill Blair, la GRC faisait tout simplement partie intégrante de la démarche visant à coordonner l’opération menant à la mise en place d’un nouveau cadre pour la possession d’armes à feu au pays.

« Évidemment que la GRC était impliquée dans ces discussions depuis le début parce qu’elle est responsable de l’administration du Programme canadien des armes à feu », a martelé M. Blair.

Le criminologue Michael Arntfield, lui-même ancien policier, soutient que s’il y avait eu ingérence, on ne sait pas comment cela aurait eu un impact sur les opérations policières ou le cours de l’enquête.

Mais plus important encore, dit-il, le « scandale politique croustillant » détourne actuellement l’attention de ce qui doit être au cœur de l’enquête de la commission sur la tuerie : pourquoi et comment un homme déguisé en policier a pu échapper à la police et continuer à tuer pendant plus de 13 heures avec des armes illégales.

Les conservateurs ont accusé les libéraux de se servir de la tragédie pour imposer leur programme politique. Le chef du NPD, Jagmeet Singh, a ajouté la semaine dernière qu’il était inacceptable pour un gouvernement d’utiliser cette terrible tuerie pour mousser les appuis à son projet de loi sur les armes à feu.

Toutefois, du point de vue d’une survivante, on peut voir les choses d’un autre œil.

Heidi Rathjen était étudiante à l’École Polytechnique de Montréal en décembre 1989 quand est survenue la tragédie, où 14 femmes ont été tuées et 14 autres blessées. À son avis, la réaction aux tueries devrait être « politique et immédiate ».

« Les conservateurs et les lobbys proarmes se sont excités en clamant que les décrets étaient une sorte de stratégie politique opportuniste qui exploitait une tragédie, alors que pour la majorité des Canadiens, interdire les armes d’assaut, c’est la bonne chose à faire pour prévenir les tueries », a-t-elle commenté dans une réponse transmise par courriel à La Presse Canadienne.

« Si ç’a pris une tragédie pour forcer le gouvernement à agir sur le contrôle des armes réclamé depuis fort longtemps, ça ressemble plutôt à un triste constat sur la politique, mais c’est sûrement une bonne chose pour la sécurité de la population », a-t-elle renchéri.

Mme Rathjen, qui dirige le regroupement PolySeSouvient, affirme qu’elle aurait « adoré » voir le gouvernement réagir immédiatement après ce qui s’est produit à la Polytechnique.

« Malheureusement, ç’a pris six ans de lutte avant de voir une loi raisonnable sur le contrôle des armes à feu être adoptée et les familles des victimes ses battent toujours pour obtenir une interdiction totale des armes d’assaut trois décennies plus tard. »

Une cérémonie commémorative pour l’officière Heidi Stevenson

Un service commémoratif régimentaire en mémoire de l’officière de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) qui faisait partie des 22 personnes tuées lors de la fusillade de masse de 2020 en Nouvelle-Écosse a eu lieu mercredi à Halifax.

De nombreuses personnes se sont déplacées, s’entassant le long du parcours menant au lieu de la cérémonie afin de saluer le cortège en l’honneur de la constable Heidi Stevenson. Des agents de la GRC et de la police municipale ont défilé au son des tambours et de la cornemuse alors qu’un corbillard transportait l’urne contenant les cendres de la policière jusqu’au centre sportif Cole Harbour Place.

Le service commémoratif de Heidi Stevenson a été retardé par la GRC en raison des restrictions liées à la COVID-19, bien que des funérailles familiales aient eu lieu le 24 avril 2020, cinq jours après le massacre.

Mercredi, la commissaire de la GRC Brenda Lucki a déclaré lors de la cérémonie que l’on se souviendra toujours de la constable Stevenson pour « son courage et sa force de caractère ». Elle a ajouté que le corps policier gardera en mémoire son « héroïsme (le jour de la tragédie) et la bravoure dont elle a fait preuve ainsi que les gestes qu’elle a posés pour protéger la communauté qui lui tenait tant à cœur ».

L’enquête publique sur la fusillade de masse a permis d’apprendre que l’officière Stevenson se dirigeait vers le lieu où un collègue avait été blessé le 19 avril 2020, lorsque sa rencontre funeste avec l’assassin s’est produite sur un échangeur routier à environ 60 kilomètres au nord de Halifax.

L’officière âgée de 48 ans a été tuée lors d’un échange de coups de feu avec le tueur, qui s’était volontairement placé dans la voie en sens inverse au volant de sa fausse voiture de la GRC afin d’aller emboutir le véhicule de patrouille.

Toujours selon les documents dévoilés lors de l’enquête publique, des fragments de balles tirés par l’arme de Heidi Stevenson auraient « probablement » atteint le tueur à la tête. La présence de sang sur son front aurait mis la puce à l’oreille d’un autre agent qui a croisé sa route environ 35 minutes plus tard dans une station-service, où il l’a abattu pour mettre fin à la cavale meurtrière.

Il a aussi été révélé que la constable Stevenson avait demandé à 8 h 44, le matin du drame, que le public soit informé de se méfier puisque le tueur conduisait une réplique d’un véhicule de patrouille de la GRC. Personne n’aurait répondu à sa requête.

Lors de la cérémonie de mercredi, quatre amis de la victime ont souligné sa forte personnalité et son grand sens de la justice.

Son amie de longue date, Angela McKnight, a décrit Mme Stevenson comme une « femme acharnée » qui a préféré la GRC à la kinésiologie et qui avait développé sa force physique en jouant au rugby à l’université.

Heidi s’entourait de femmes fortes dévouées à se soutenir les unes et les autres. Je ne connais aucune femme meilleure… plus forte, plus déterminée qu’elle.

Parmi la foule observant la procession, plusieurs personnes interrogées ont témoigné de leur admiration pour la policière qui a laissé derrière elle son mari et leurs deux enfants.

Heidi Stevenson a grandi à Antigonish, en Nouvelle-Écosse et a fait ses études universitaires dans la province. Elle a servi 23 ans dans la GRC, développant une expertise en matière de reconnaissance des stupéfiants, de patrouille et de communications.