Au Canada, les troupes antiavortements crient « victoire ». Le renversement de l’arrêt Roe c. Wade aux États-Unis revigorera, espèrent-elles, le mouvement au pays. Mais celui-ci reste marginal, croit une experte.

Aussitôt annoncé, le renversement par la Cour suprême de Roe c. Wade, qui protégeait le droit à l’avortement aux États-Unis, a été applaudi par les organisations antiavortement du Canada.

La Campaign Life Coalition, l’une des organisations les plus influentes dans les cercles antiavortement au Canada, l’a qualifié de « victoire de la vie », célébrant « le relâchement de la main de fer du mouvement proavortement sur l’Amérique ».

Surtout, la décision tant attendue a galvanisé l’espoir des militants antiavortement au Canada.

« C’est jour de fête de par le monde », a réagi Hanna Kepka, responsable des relations intergouvernementales de la Campaign Life Coalition, dans une entrevue téléphonique.

Cette décision inspire l’ensemble de la communauté pro-vie, et au Canada aussi.

Hanna Kepka, de la Campaign Life Coalition

Au Canada, le mouvement antiavortement est marginal, souligne toutefois Louise Langevin, spécialiste des droits à l’autonomie procréative de l’Université Laval. Et il l’est encore plus au Québec. Mais il ne faut pas baisser la garde. Ailleurs au pays, « ils sont plus actifs ». « Ils ont l’air organisés », dit-elle.

Samedi, Campagne Québec-Vie organisait un « pèlerinage pro-vie » dans les rues de Montréal.

« Nous sommes davantage motivés par cette décision. Ça donne un surplus d’espoir », a réagi le président et directeur général de l’association, Georges Buscemi.

Celui-ci ne s’attend pas à voir débarquer à court terme « une cavalerie » de militants antiavortements, et surtout pas au Québec, où le droit à l’avortement est très bien protégé et reconnu. « Mais il y aura un effet à long terme, au moins culturel et ensuite juridique », croit-il.

« Rien n’est jamais gagné »

La grande majorité des Canadiens appuie le droit à l’avortement. Selon un récent sondage Léger réalisé pour l’Association d’études canadiennes, environ 14 % y sont toutefois opposés.

Les femmes, les groupes de femmes doivent surveiller ce qui se passe. Rien n’est jamais gagné pour les femmes, pour les contrôler, même si, sur le plan juridique, la question est réglée.

Louise Langevin, spécialiste des droits à l’autonomie procréative de l’Université Laval

Pour mettre de la pression, les militants antiavortements pourraient-ils protester devant les cliniques d’avortement, comme ils le font aux États-Unis ?

Non, car au Québec, une loi adoptée en 2016 interdit les manifestations dans un périmètre de 50 mètres autour des cliniques d’avortement. L’Ontario, la Colombie-Britannique et Terre-Neuve-et-Labrador ont aussi adopté des lois similaires.

« Ils ne peuvent aborder directement les femmes qui s’y rendent pour les faire changer d’idée », explique Louise Langevin.

Même si le mouvement antiavortement devait prendre plus de place et investir le débat politique, notre contexte juridique est totalement différent de celui des États-Unis, rappelle Me Sophie Gagnon, avocate et directrice de Juripop.

La nomination des juges à la Cour suprême, par exemple, « est beaucoup moins politisée et partisane au Canada », ajoute-t-elle.

Une flèche aux conservateurs

En entrevue, Georges Buscemi, de la Campagne Québec-Vie, a décoché une flèche aux élus conservateurs, qui « semblent avoir peur de se mouiller avec ces questions-là ». « Je trouve complètement non viable cette attitude d’hypersensibilité et de peur », dit-il.

Le militant antiavortement a toutefois salué la candidate à la chefferie du parti Leslyn Lewis, qui a réagi « sans complexe » au renversement de Roe c. Wade. Sur Twitter, elle s’est opposée « aux avortements forcés » et « basés sur le sexe ».

« Le Canada n’est pas les États-Unis. Nous pouvons avoir des conversations d’adultes », a-t-elle écrit.