Le patron d’Air Canada dit avoir embauché « un professeur personnel » pour apprendre le français dans une lettre à ses employés. La maîtrise de la langue fera désormais partie de son évaluation annuelle, confirme le président du conseil d’administration.

Vagn Sørensen a acquiescé aux demandes de la vice-première ministre Chrystia Freeland dans une lettre qu’il lui a fait parvenir jeudi soir. Il affirme que le président-directeur général du transporteur aérien, Michael Rousseau, entame « un apprentissage intensif du français » et que cet élément « fera partie intégrante de son évaluation de rendement », comme elle le lui avait suggéré la veille.

Celle qui est également ministre des Finances avait fait parvenir une lettre au président du conseil d’administration d’Air Canada pour lui demander de faire de la communication en français « un critère important » pour pourvoir les postes de la haute direction ainsi que de revoir ses politiques et ses pratiques quant à l’usage de cette langue au sein de l’entreprise soumise à la Loi sur les langues officielles.

« Notre Conseil passera en revue les exigences quant aux compétences linguistiques en français pour d’autres postes clés », lui a répondu M. Sørensen.

Il fait valoir que la capacité de communiquer dans la langue de Vigneault est un critère important de promotion pour « beaucoup de postes de haute direction » et que les cinq membres de cette équipe « sont francophones ou parlent français ». Il s’agit du chef des affaires financières, de la cheffe des affaires commerciales, du chef des opérations, de la cheffe des ressources humaines et des communications et du chef des affaires juridiques, précise-t-il.

Nous prenons nos responsabilités à l’égard de la Loi sur les langues officielles très au sérieux.

Vagn Sørensen, dans sa lettre

M. Sørensen a ensuite ajouté que les politiques et les pratiques du transporteur en matière d’utilisation du français seraient examinées lors de la prochaine réunion du Comité de gouvernance. La ministre Freeland avait demandé à ce que cette analyse soit rendue publique.

Air Canada a mauvaise réputation depuis des années pour la prestation de services en français. En 2016, l’ex-commissaire aux langues officielles Graham Fraser avait tiré la sonnette d’alarme dans un rapport accablant.

De 2016 à aujourd’hui, le Commissariat aux langues officielles a reçu 431 récriminations sur la qualité des services en français, dont 160 seulement en 2019. Ce nombre élevé est signe « d’un problème systémique » au sein du transporteur aérien, avait souligné le commissaire actuel, Raymond Théberge, en entrevue avec La Presse jeudi dernier.

Michael Rousseau regrette

Dans une lettre aux employés, Michael Rousseau dit regretter sincèrement les propos qu’il a tenus mercredi dernier en marge de son allocution presque exclusivement en anglais devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Il regrette également l’attention qu’ils ont attirée sur l’entreprise.

Le patron d’Air Canada avait alors ignoré les avertissements d’un membre du cabinet de François Legault à Québec et du Commissariat aux langues officielles à Ottawa. Seules quelques phrases en français avaient été ajoutées dans son discours. M. Rousseau avait par la suite affirmé aux journalistes qu’il vivait dans la métropole depuis 14 ans sans avoir eu à apprendre le français, ce qui était « tout à l’honneur » de la ville. Il se disait également trop occupé pour étudier la langue.

Ses propos ont déclenché une tempête linguistique et les appels à sa démission se sont fait entendre autant à Québec qu’à Ottawa. Le Commissariat aux langues officielles avait reçu plus de 2000 plaintes lundi, un record. Il a cessé de faire la mise à jour quotidienne et se concentre désormais sur le traitement de ces plaintes.

« J’assume l’entière responsabilité de mes commentaires de la semaine dernière, a fait savoir M. Rousseau aux employés d’Air Canada dans sa lettre. Les gens qui me connaissent bien savent que ces mots ne sont pas le reflet de mes valeurs et de mes convictions. »

Il réitère son « engagement ferme » à apprendre le français et affirme avoir déjà commencé à l’aide d’un professeur particulier. Il demande également aux employés de lui faire part de leurs suggestions pour renforcer les pratiques d’Air Canada en matière de langues officielles.

Manifestation pour la démission de Michael Rousseau

Une manifestation pour la défense du français est organisée samedi prochain devant le siège social d’Air Canada à Montréal. Les organisateurs souhaitent ainsi faire pression sur le conseil d’administration d’Air Canada, qui a nommé un PDG unilingue anglais. Interrogée à ce sujet, la présidente de la Société Saint-Jean-Baptiste (SSJB) de Montréal, Marie-Anne Alepin, s’est dite « très heureuse » que M. Rousseau ait entrepris des cours de français. Mais, selon elle, cela ne change rien au fait que « le français recule » et qu’il s’agissait là d’un énième exemple l’illustrant. La manifestation, organisée par la SSJB de Montréal, aura lieu samedi à 13 h devant le siège social d’Air Canada, boulevard de la Côte-Vertu à Montréal. Des autobus sont aussi prévus depuis les bureaux de la SSJB au centre-ville de Montréal, ainsi qu’à Longueuil. Les renseignements sont publiés sur le site internet de l’organisation.

La Presse Canadienne