Les plaintes s’accumulent au Commissariat aux langues officielles sur le discours presque exclusivement en anglais donné par le patron d’Air Canada, Michael Rousseau, devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain mercredi.

Ce sont plus de 200 plaintes que le commissaire Raymond Théberge et son équipe auront à analyser au cours des prochains jours. « C’est une indication à quel point la réaction a été vive, a-t-il affirmé en entrevue. C’est beaucoup pour un seul incident. »

Il devra déterminer si elles sont recevables en vertu de la Loi sur les langues officielles. Elles pourraient bien l’être, selon lui, en vertu de la section 4 de cette législation sur la communication des institutions fédérales avec le public.

Air Canada a mauvaise réputation pour la prestation de services en français. De 2016 à aujourd’hui, le Commissariat aux langues officielles a reçu 431 plaintes, dont 160 seulement en 2019. Ce nombre élevé est signe « d’un problème systémique » au sein du transporteur aérien, selon M. Théberge.

« Le fait de prononcer un discours uniquement en anglais et le fait de ne pas apprendre le français démontrent un manque de sensibilité, a-t-il constaté. L’exemple vient d’en haut et si l’exemple est un non-respect envers les francophones, le message va être ressenti au sein de son organisation. »

L’exigence du bilinguisme a disparu chez le partenaire régional d’Air Canada, Jazz Aviation. Une offre d’emploi trouvée sur le site de l’entreprise jeudi spécifie que les agents de bord doivent désormais « parler couramment anglais », mais qu’ils ne sont pas obligés de maîtriser le français. « Bien que le bilinguisme (anglais et français) soit préférable, il n’est plus nécessaire de parler français », peut-on lire.

CAPTURE D’ÉCRAN DU SITE D’AIR CANADA

Une offre d’emploi trouvée sur le site de l’entreprise jeudi spécifie que les agents de bord doivent désormais « parler couramment anglais », mais qu’ils ne sont pas obligés de maîtriser le français.

Les postes sont situés à Toronto, mais il est indiqué que les agents sont appelés à se déplacer dans plusieurs grandes villes du pays, dont Montréal.

« Il doit y avoir des conséquences »

De quoi ajouter à la controverse soulevée la veille par le président-directeur général d’Air Canada, qui a affirmé en marge de son allocution qu’il avait pu vivre à Montréal durant 14 ans sans apprendre le français. Ses propos ont suscité la colère de la classe politique au Québec et à Ottawa.

Ils étaient « tout simplement inacceptables », selon la ministre des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor. « J’ai pris acte de ses excuses, mais elles doivent être suivies d’actions concrètes afin de démontrer qu’il prend ses obligations au sérieux, a-t-elle signifié dans une déclaration écrite. C’est une question de respect. »

La ministre Petitpas a réitéré l’engagement du gouvernement de réformer la Loi sur les langues officielles sans préciser d’échéancier. Le projet de loi avait d’abord été déposé en juin une semaine avant la fin des travaux parlementaires et deux mois avant que le premier ministre Justin Trudeau déclenche des élections.

Cette première mouture donnait le pouvoir au Commissaire de conclure des ententes exécutoires et d’émettre des ordonnances qui ont une portée juridique. Actuellement, il doit se contenter d’enquêter et d’émettre des recommandations.

Le Bloc québécois et le Nouveau Parti démocratique ont exigé jeudi la démission de Michael Rousseau, en poste depuis avril dernier. « Air Canada accumule les manques de respect du français, c’est toujours des excuses et il n’y a pas d’action, a affirmé le député bloquiste Mario Beaulieu. Il doit y avoir des conséquences. » Il a rappelé que le gouvernement fédéral était actionnaire d’Air Canada.

« Après des années de rapports accablants du Commissaire aux langues officielles, des dizaines et des dizaines de plaintes en moyenne à chaque année, il faut envoyer un message clair à Air Canada : ça suffit, vous ne pouvez pas continuer comme ça à mépriser le français », a soutenu le député néodémocrate Alexandre Boulerice.

Le Parti conservateur n’est pas allé jusqu’à exiger le départ de Michael Rousseau. Le député Alain Rayes a plutôt demandé qu’on donne plus de « mordant » à la Loi sur les langues officielles et qu’elle soit une priorité pour la reprise des travaux parlementaires le 22 novembre. « Sa modernisation est impérative, rapidement, a-t-il écrit sur Twitter. Malgré de belles paroles, les Libéraux n’ont rien fait depuis 2015. »