(Ottawa) Le gouvernement Trudeau maintient le cap et compte toujours rouvrir la frontière aux voyageurs américains pleinement vaccinés comme prévu à compter du 9 août, malgré la récente hausse du nombre de cas de COVID-19 aux États-Unis provoquée par le variant Delta.

Des sources gouvernementales ont indiqué à La Presse que la décision de permettre aux touristes américains de visiter le Canada n’était guère remise en question, du moins pour le moment, même si on assiste depuis quelques jours à une flambée du nombre de cas au sud de la frontière.

À Washington, un responsable de la Maison-Blanche a soulevé la possibilité que les États-Unis accueillent de nouveau des voyageurs étrangers qui sont entièrement vaccinés, sans toutefois donner de calendrier précis, a rapporté mercredi soir l’AFP.

Selon ce responsable, qui n’a pas été nommé, l’administration Biden élabore une « approche progressive qui signifierait, avec des exceptions limitées, que tous les ressortissants étrangers venant aux États-Unis – depuis tous les pays – doivent être pleinement vaccinés ».

Les groupes de travail chargés de cette question « sont en train de développer une politique afin d’être prêts, quand le moment sera venu, à évoluer vers ce nouveau système », a dit le responsable.

La prudence demeure donc de mise, mais il s’agit néanmoins d’une évolution de ton de la part des États-Unis, qui le 26 juillet encore ne voulaient entendre parler ni de tests ni de vaccins pour rouvrir leurs frontières.

Aux États-Unis, la moyenne quotidienne atteint les 66 000 nouveaux cas de COVID-19 depuis une semaine, une hausse de 64 % par rapport à la semaine précédente, selon les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC). Ces cas sont en très grande majorité des Américains qui refusent de se faire vacciner, forçant l’administration Biden à redoubler d’efforts pour convaincre les récalcitrants à tendre le bras pour obtenir leur dose.

Le mois dernier, le gouvernement Trudeau a annoncé son intention de rouvrir la frontière canado-américaine aux voyages non essentiels après une fermeture de quelque 16 mois à cause de la pandémie de COVID-19. Cette décision a été applaudie par le monde des affaires, qui réclamait depuis plusieurs semaines des assouplissements dans le cas des individus pleinement vaccinés. Mais les États-Unis ont décidé de maintenir les restrictions pour un autre mois, au moins jusqu’au 21 août, de sorte que les voyageurs canadiens ne peuvent toujours pas se rendre sur le territoire américain par voie terrestre.

« Nous suivons évidemment de près l’évolution de la situation aux États-Unis. Mais nous maintenons le cap pour ce qui est de la réouverture de la frontière », a indiqué une source gouvernementale qui a requis l’anonymat afin de s’exprimer plus librement sur cette question.

« Nous nous sommes donné des outils pour resserrer les mesures à la frontière au besoin. Nous l’avons fait dans le passé quand nous avons suspendu des vols en provenance de la Grande-Bretagne, par exemple, lorsque la situation l’exigeait et nous l’avons fait aussi dans le cas du Pakistan », a ajouté cette source, soulignant que les autorités canadiennes n’hésiteraient pas à le faire dans le cas de la frontière canado-américaine si la Santé publique l’exigeait.

Dès la semaine prochaine

Mardi, le ministre fédéral de l’Immigration, Marco Mendicino, a aussi souligné de nouveau sur son compte Twitter les changements qui entreront en vigueur au début de la semaine prochaine.

« Dès le 9 août, les citoyens américains et les résidents permanents entièrement vaccinés pourront entrer au Canada pour des voyages non essentiels. Le 7 septembre, tous les voyageurs entièrement vaccinés pourront entrer au Canada pour des voyages non essentiels ! », a-t-il écrit dans son gazouillis.

Tous les voyageurs devront soumettre un résultat de test négatif à la COVID-19 et une preuve de vaccination avant leur arrivée par l’entremise de l’application ArriveCAN.

Également à compter du 9 août, les aéroports d’Halifax, de Québec, d’Ottawa, de Winnipeg et d’Edmonton seront ajoutés à la liste des villes canadiennes où les vols internationaux seront autorisés à atterrir, en plus de ceux de Montréal, Toronto, Calgary et Vancouver.

Un « risque calculé »

Le maintien de la réouverture de la frontière aux voyageurs américains est « un risque calculé », selon la professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal Roxane Borgès Da Silva.

« Les Américains vont pouvoir venir à condition qu’ils soient doublement vaccinés et qu’ils aient un test négatif dans les 24 heures ou 48 heures avant le voyage. Dans ce contexte, le risque est somme toute calculé et assez minimal », a-t-elle souligné.

Le risque est calculé et minimal parce qu’on ne tient pas compte uniquement de la santé publique dans ce genre de décision politique. On tient compte de tous les aspects sociaux et économiques aussi.

Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal

Cela dit, Mme Borgès Da Silva a soutenu qu’il fallait rester vigilant, d’autant qu’une récente étude aux États-Unis semble démontrer que les gens vaccinés peuvent propager autant le virus que les personnes qui ne sont pas vaccinées. « C’est une seule étude. Il n’y a pas encore de consensus et assez de données à ce sujet. Et il y a une autre étude qui vient de sortir de l’Angleterre qui dirait le contraire. Donc, il n’y a pas encore assez de données concernant le variant Delta qui nous permettraient de statuer. Mais le gouvernement canadien est prêt à courir ce risque-là dans la mesure où le risque est calculé. »

Dans son bilan de mercredi, l’administratrice en chef de la santé publique du Canada, la Dre Theresa Tam, a relevé que les cas de COVID-19 au pays étaient à la hausse, particulièrement chez les gens non vaccinés, au moment même où plusieurs provinces lèvent les restrictions. La moyenne nationale pour les sept derniers jours (du 28 juillet au 3 août) indique que 887 nouveaux cas ont été signalés chaque jour, ce qui représente une hausse de 59 % par rapport à la semaine précédente, a-t-elle signalé.

« Afin d’empêcher la propagation de la COVID-19, particulièrement du variant Delta très contagieux, nous devons maintenir des approches prudentes en matière d’assouplissement des mesures de santé publique, demeurer vigilants et attentifs aux signes de résurgence, et encourager la couverture vaccinale à deux doses », a-t-elle affirmé.