Toutes les communautés autochtones dont l’alimentation en eau relève du gouvernement fédéral auront accès à de l’eau potable salubre à terme et seront compensées pour les années où elles en ont été privées.

Ottawa et les trois communautés autochtones qui pilotaient un recours collectif contre le gouvernement fédéral ont annoncé vendredi avoir conclu une entente de principe de plusieurs milliards de dollars pour régler de manière permanente cette situation intenable pour les Premières Nations affectées.

L’entente prévoit notamment un engagement d’au moins 6 milliards pour assurer l’accès à l’eau potable à 258 communautés regroupant 142 000 personnes. Une indemnisation de 1,5 milliard s’ajoute à cette somme en guise de réparation pour les torts qu’elles ont subis en ayant ainsi été privées d’eau.

« Cette entente de principe est un symbole important de la reconnaissance du Canada des torts commis à l’endroit des Premières Nations qui se sont vues nier l’accès à de l’eau potable propre et fiable […] C’est une victoire pour nos peuples. Nous méritons d’avoir de l’eau propre comme tous les autres Canadiens », a déclaré la cheffe Doreen Spence, de la Nation crie de Tataskweyak, dans le Nord du Manitoba, l’une des trois communautés qui pilotaient le recours collectif national.

Sa collègue Emily Whetung, de la Première Nation de Curve Lake dans le Sud de l’Ontario, n’était pas peu fière d’avoir obtenu ce règlement à titre de requérante à la procédure : « Nous avons fait une différence. Nous avons conclu une entente qui comprend l’engagement de distribuer de l’eau de qualité en quantité, ce que la plupart des Canadiens tiennent pour acquis. »

Tout comme ses deux prédécesseures lors de la conférence de presse virtuelle pour annoncer l’entente, le chef de la troisième communauté à l’origine du recours, Wayne Moonias de Neskantaga dans le Nord de l’Ontario, n’a pas manqué d’évoquer ce que signifie ne pas avoir d’eau potable : « Les gens ont peur de prendre des bains, de prendre des douches à cause de ce que ça fait à leurs corps. Il faut que ça change […] Certains doivent marcher un kilomètre ou deux seulement pour avoir accès à de l’eau propre. »

« Éviter l’eau du robinet est un mode de vie : ne mets pas ta brosse à dents dedans, ne te rince pas la bouche, assure-toi d’avoir assez d’eau embouteillée pour passer au travers de la longue fin de semaine », a renchéri Emily Whetung. « Les gens devenaient malades avec l’eau. J’ai été malade et ma famille a été malade. »

Les trois chefs ont évoqué des situations pénibles communes : plusieurs ont souffert d’éruptions cutanées pénibles en prenant une douche ou un bain ; le coût prohibitif de l’eau embouteillée en a forcé plusieurs à payer le gros prix pour donner un bain aux enfants, parfois même aux adultes.

« Nous nous sommes souvent demandé dans notre communauté pourquoi il fallut autant de temps pour nous donner quelque chose. Nous sommes toujours sous un avis d’ébullition d’eau. Encore aujourd’hui, notre usine de traitement de l’eau n’est pas complétée », a souligné le chef Moonias.

Le ministre des Services aux Autochtones, Marc Miller, a fait acte de contrition à plusieurs reprises au cours de la conférence de presse : « Il n’y a aucune excuse crédible pour un pays comme le Canada d’avoir pris autant de temps », a-t-il reconnu.

« La réalité, c’est que le gouvernement n’a pas été à l’appui alors aujourd’hui on passe à une compensation historique et on assume notre responsabilité, avec des mécanismes juridiques, le cas échéant, si on faillit à notre responsabilité. »

Un fonds additionnel de 400 millions ira à la relance économique et culturelle des Premières Nations et un comité consultatif des Premières Nations sur l’eau potable salubre sera mis sur pied. Le gouvernement Trudeau réitère du même coup son engagement à faire lever tous les avis d’ébullition qui ont longtemps servi à masquer la réalité de l’absence d’accès à l’eau potable dans ces communautés.

Ce sont les Premières Nations elles-mêmes qui auront désormais le pouvoir d’élaborer leurs propres règlements et initiatives en matière d’eau potable salubre et l’entente prévoit de ce fait une modernisation de la législation canadienne concernant l’eau potable des Premières Nations.

L’objectif est de construire ou réparer des infrastructures d’approvisionnement en eau et de traitement des eaux usées et d’en assurer une gestion et un entretien efficace à long terme pour que cette situation — qualifiée d’inacceptable dans un pays riche comme le Canada tant par le ministre Miller que par les chefs — soit corrigée une fois pour toutes.