Le premier ministre Justin Trudeau reconnaît qu’il y a « certainement » eu des actes criminels dans les pensionnats autochtones.

En conférence de presse, vendredi à Ottawa, le premier ministre a rappelé que de nombreux survivants de ces pensionnats, qui « vivaient dans des situations horribles et affreuses », ont témoigné de décès tragiques. « Certains n’étaient pas criminels, mais d’autres, sûrement, l’étaient. Quand on parle d’abus, quand on parle de négligence, certainement que dans les histoires, on a vu des actes criminels », a-t-il reconnu.

Interrogé sur la possibilité de lancer des enquêtes criminelles par les forces policières, Justin Trudeau s’est dit ouvert à suivre cette voie, mais a fait valoir que, dans l’immédiat, ce sont les communautés autochtones qui sont maîtres du processus à suivre.

« Pour découvrir la vérité, pour pouvoir avancer sur la réconciliation, nous nous devons de respecter leurs désirs, leurs besoins pour guérir, pour continuer, pour avancer dans la bonne direction pour eux. […] À chaque étape nous allons travailler avec eux et nous allons être là pour eux et nous allons suivre ce dont ils ont besoin dans les prochaines étapes. »

Cependant, il a été clair quant à la nécessité « d’assurer qu’il y ait des conséquences sur les systèmes, les organismes, sur les institutions et peut-être dans certains cas sur les individus » responsables de la tragédie vécue par les Autochtones dans les pensionnats.

Des excuses du pape François en sol canadien ?

Le premier ministre a ajouté qu’il ne perd pas espoir de voir le pape François venir lui-même offrir des excuses en sol canadien.

« Quand je suis allé voir le pape il y a quelques années, je lui ai expliqué à quel point c’est important d’avoir des excuses directement aux peuples autochtones du pays sur le territoire canadien et je sais qu’il y a bien des gens à l’intérieur de l’Église qui sont en train de travailler sur cela et, en tant que gouvernement, nous allons être là pour faciliter cela. »

Il a toutefois écarté la possibilité de retirer à l’Église catholique ses privilèges fiscaux d’institution charitable ou d’aller devant les tribunaux pour la forcer à remettre ses archives, disant s’attendre à la collaboration de celle-ci pour la suite des évènements.

Rien de neuf pour les Autochtones

Dans la foulée de la découverte de 751 tombes anonymes près de l’ancien pensionnat autochtone de Marieval en Saskatchewan, Justin Trudeau a offert à nouveau les excuses des Canadiens aux peuples autochtones et s’il dit comprendre « l’outrage et la frustration de tous les Canadiens » face à cette « partie honteuse de notre histoire », il a rappelé qu’il n’y a là rien de neuf pour les Autochtones eux-mêmes.

« Beaucoup de Canadiens sont choqués et horrifiés par ce qu’ils voient dans les nouvelles depuis quelques semaines et ils ont raison de l’être. C’est choquant et horrifiant ce qui s’est passé aux peuples autochtones dans ce pays depuis des décennies, depuis des générations. Mais ce (ne sont) pas des nouvelles pour beaucoup de gens autochtones dans ce pays. Ils savent depuis très longtemps que des milliers d’enfants qui sont allés dans des écoles résidentielles ne sont jamais rentrés chez eux. »

Carolyn Bennett : en poste malgré un « manque de respect »

Par ailleurs, il a sévèrement blâmé la ministre des Relations Couronne-Autochtones, Carolyn Bennett, qui a dû s’excuser pour avoir envoyé un message texte à la députée indépendante Jody Wilson-Raybould qui a été qualifié par celle-ci de raciste et misogyne. Après que Mme Wilson-Raybould se fut prononcée contre une élection, la ministre Bennett lui a envoyé un seul mot : « Pension ? », laissant ainsi sous-entendre que la députée indépendante ne voulait pas d’élection afin de pouvoir atteindre le nombre d’années requis pour avoir droit à la pension de député fédéral.

« Ce que la ministre Bennett a fait a été une erreur, (elle a) manqué de respect et a fait beaucoup de peine. Oui je suis déçu par ce qu’elle a fait et c’est approprié et important qu’elle se soit excusée sincèrement et profondément parce que les peuples autochtones dans ce pays passent des moments très difficiles », a-t-il dit.

Interrogé sur le bien-fondé de la maintenir en poste, le geste ayant pu miner la confiance des peuples autochtones envers cette interlocutrice, Justin Trudeau a dit avoir parlé à Mme Bennett vendredi matin et sa déclaration a laissé peu de doutes sur ses intentions : « Je connais le cœur et l’effort qu’elle y a mis depuis des années et nous comprenons tous les deux qu’il y a maintenant encore plus de travail devant elle et je sais que nous le ferons ensemble. »