(Ottawa) L’officier responsable des ressources humaines dans les Forces affirme que les échecs répétés de l’armée à lutter contre les inconduites sexuelles, au fil des décennies, ont conduit à une espèce de « menace existentielle » pour cette institution.

C’est ce qui rend la crise actuelle différente des autres, a estimé en entrevue le lieutenant-général Steve Whelan. Et c’est pourquoi, selon lui, l’armée doit tenir cette fois sa promesse de résoudre le problème. « C’est triste que nous ayons dû en arriver à un point où cela semble existentiel, mais c’est ce qui arrive quand vous ne respectez pas une promesse que vous faites à quelqu’un en disant : "Je vais arranger ça" », a-t-il déclaré à La Presse Canadienne.

Le lieutenant-général Whelan, un ancien officier d’infanterie, ​veut veiller personnellement à ce que ces promesses soient tenues cette fois-ci, en tant que commandant du personnel militaire, qui supervise tout, du recrutement et de la formation jusqu’aux promotions et aux soins de santé.

Les Forces armées sont confrontées depuis des mois à des nouvelles et des manchettes qui font état d’allégations de comportements sexuels inappropriés impliquant ses plus hauts gradés. L’un de ces officiers supérieurs est justement le prédécesseur du lieutenant-général Whelan aux ressources humaines, le vice-amiral Haydn Edmundson, qui s’est retiré de son poste en mars en raison d’une enquête policière, après un reportage de la CBC sur des allégations d’agression sexuelle. M. Edmundson nie les allégations.

Bien qu’il soit nouveau à la tête des ressources humaines, M. Whelan y a déjà occupé plusieurs fonctions. Il a notamment participé à l’élaboration de l’opération Honour, lancée en 2015 pour éradiquer justement les inconduites sexuelles dans l’armée. L’opération a pris fin cette année après que certaines voix ont suggéré que l’initiative était dorénavant empoisonnée par les allégations visant le sommet de l’état-major.

Tout en affirmant que l’opération Honour avait eu du bon, M. Whelan reconnaît que l’armée a habituellement échoué au fil des ans et des décennies en ce qui concerne l’inconduite sexuelle et le changement de culture – et il comprend le scepticisme de nombreux Canadiens cette fois-ci. « Je n’ai pas de réponse intelligente pour ceux qui disent : "Eh bien, qu’est-ce qui va se passer cette fois-ci ?" » Mais il sent que « cette fois, c’est différent ».

« Je suis dans ma 30e année de service. […] J’ai vu beaucoup de choses aller et venir, mais c’est différent. Cela ressemble à une menace existentielle pour notre profession et toutes les choses qui nous sont chères dans les Forces armées canadiennes. »

M. Whelan sera responsable de la mise en œuvre des réformes des divers systèmes de recrutement, de formation, de promotion et d’autres domaines ayant une incidence directe sur la culture des Forces armées. « Si nous pouvons rendre la formation de base plus sûre, tant mieux », dit-il. « Si nous pouvons nous assurer que nos dirigeants sont mieux équipés pour avoir des conversations difficiles, prendre de meilleures décisions et être plus respectueux les uns des autres, eh, mon homme ! Je suis partant ! C’est là que je veux aller. »

Les propositions de réforme viendront de divers endroits, y compris de l’ex-juge de la Cour suprême Louise Arbour, qui mène une enquête d’un an et formulera des recommandations concrètes pour éliminer les inconduites sexuelles dans l’armée.

M. Whelan souligne aussi qu’il a commencé à travailler avec la lieutenante-générale Jennie Carignan, nommée en avril « Chef, Conduite professionnelle et culture », un nouveau poste créé au sein de l’armée. Il veut travailler avec elle pour identifier les moyens de lutter contre les diverses inconduites sexuelles, mais aussi contre les gestes et propos haineux au sein de l’armée. « Jennie, Mme Arbour et moi allons être très étroitement liés », promet M. Whelan.