(Québec) La nation atikamekw réclame la création d’un « bureau d’ombudsman à la santé des Autochtones » ainsi que de la formation obligatoire et récurrente « à tous les niveaux » pour assurer aux membres des Premières Nations un accès équitable et « sans aucune discrimination » aux services sociaux et de santé du Québec.

Comme ils avaient promis de le faire, le Grand Conseil de la Nation atikamekw et la communauté de Manawan ont dévoilé, lundi, le « Principe de Joyce », élaboré à la suite du décès de Joyce Echaquan, mère de famille de Manawan morte sous les insultes racistes du personnel infirmier de l’hôpital de Joliette, le 28 septembre dernier.

« Pour nous, c’est important. Ça représente la voix de Joyce », a affirmé en entrevue le grand chef Constant Awashish.

Le document, qui tient sur une quinzaine de pages, aborde six grands principes et propose des solutions pour assainir la relation entre les Autochtones et les autorités provinciales et fédérales de santé et de services sociaux.

« Le début de réels changements »

Le conjoint de Mme Echaquan, Carol Dubé, signe une préface. Il souhaite que les gouvernements du Québec et du Canada « adoptent le Principe de Joyce afin que ce terrible évènement ne soit pas survenu en vain ».

« Que sa voix sonne le début de réels changements pour tous les Autochtones afin que plus jamais personne ne soit victime de racisme systémique », écrit-il.

On demande notamment à Québec et à Ottawa de « reconnaître le droit à l’autonomie et à l’autodétermination des peuples autochtones » en matière de santé et de services sociaux. Au gouvernement québécois, on réclame la reconnaissance du racisme systémique envers les peuples autochtones.

« Il faut reconnaître le problème à la source. Il y a un problème et ce n’est pas seulement la Loi sur les Indiens, indique M. Awashish. Tout le monde connaît la position du gouvernement Legault. S’il ne veut pas dire le mot, c’est sa position. Mais nous, on va continuer de travailler pour que les choses changent en profondeur. »

Les Atikamekw recommandent la création d’un Protecteur de la santé des Autochtones dont les « pouvoirs et les moyens d’action » seraient convenus avec les autorités autochtones. On demande aussi de nommer des membres autochtones dans les « instances décisionnelles » de la santé et des services sociaux.

« Éduquons, sensibilisons et déconstruisons les préjugés »

L’éducation revient aussi abondamment dans les recommandations. Tous les programmes de formation destinés aux travailleurs du domaine de la santé et des services sociaux devraient « inclure une composante relative au Principe de Joyce » en plus de prévoir des mesures pour faciliter l’intégration des étudiants autochtones.

« Éduquons, sensibilisons et déconstruisons les préjugés et créons un meilleur monde pour nos enfants. Les gens sont prêts pour le changement, nous avons eu des appuis incroyables [depuis septembre] », a fait valoir le chef Awashish.

Le Principe de Joyce propose aussi une modification au Code des professions visant à implanter de la formation récurrente et obligatoire pour les professionnels de la santé.

Québec a débloqué 15 millions pour de la formation dans les établissements de santé dans la foulée de la mort de Mme Echaquan afin d’accroître le sentiment de sécurité des Premières Nations envers les services publics. Un pas dans la bonne direction, selon les leaders autochtones.

Le ministre responsable des Affaires autochtones, Ian Lafrenière, a confirmé la réception du « Principe de Joyce » et assuré qu’il allait en prendre connaissance « avec grand intérêt ».

Les chefs atikamekw et lui se rencontrent chaque semaine depuis les évènements de septembre « afin de voir comment, ensemble, [ils peuvent] améliorer l’accès aux soins de santé », a fait savoir son cabinet. Une rencontre est aussi prévue ce mardi avec le premier ministre François Legault et le chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, Ghislain Picard.

Le « Principe de Joyce »

Le Principe de Joyce vise à garantir à tous les Autochtones un droit d’accès équitable, sans aucune discrimination, à tous les services sociaux et de santé, ainsi que le droit de jouir du meilleur état possible de santé physique, mentale, émotionnelle et spirituelle.