(Ottawa) Une importante organisation de défense des droits de la personne affirme que le Canada n’en fait pas assez pour traduire en justice les criminels de guerre présumés.

Dans un rapport dévoilé mardi, Amnistie internationale Canada décrit le Programme canadien sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre comme sous-financé et sous-utilisé.

Il y a 20 ans, le Canada a inscrit dans la loi fédérale la compétence universelle en matière de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, ce qui signifie que ces infractions sont considérées comme des actes criminels au Canada même lorsqu’elles sont commises à l’étranger.

Mais seulement deux personnes, toutes deux liées au génocide rwandais de 1994, ont été poursuivies en vertu de la loi.

Amnistie cite le cas de Bill Horace, un ancien chef de guerre libérien, comme preuve du mauvais bilan du Canada.

L’organisation note que Bill Horace, qui a été tué par balle en juin à London, en Ontario, avait été largement accusé d’avoir commis des meurtres de masse, des viols et des actes de torture au Libéria dans les années 1990.

« Malgré une montagne de preuves contre lui, les responsables canadiens n’ont jamais inculpé Bill Horace, lui permettant de vivre librement dans ce pays depuis son arrivée en 2002 », a déclaré Amnistie dans le rapport.

Le plus souvent, le Canada s’en lave les mains, et ne prend aucune mesure pour poursuivre les présumés criminels de guerre ou choisit de les expulser sans aucune garantie qu’ils feront l’objet d’une enquête pour leurs méfaits, a déclaré Alex Neve, secrétaire général d’Amnistie Canada.

Amnistie demande au gouvernement Trudeau de prendre plusieurs mesures pour s’assurer que le pays n’est pas un havre de paix pour les criminels de guerre.

Dans une déclaration commune mardi, les bureaux du ministre de la Justice David Lametti et du ministre de la Sécurité publique Bill Blair ont déclaré que le gouvernement libéral s’est engagé à enquêter sur de tels cas avec toute la rigueur de la loi.

« Notre gouvernement continue de s’employer à empêcher les criminels de guerre d’entrer au Canada, tout en expulsant et en révoquant la citoyenneté des criminels de guerre au Canada impliqués dans de tels actes, et en poursuivant les criminels le cas échéant », ont-ils déclaré.

Les ministres ont soutenu que le programme canadien sur les crimes de guerre est un modèle internationalement reconnu par lequel ses membres sont sollicités pour obtenir des conseils, une formation et de l’aide par d’autres pays qui mettent sur pied leurs propres programmes.

Le budget de 15,6 millions de dollars pour le programme de lutte contre les crimes de guerre est resté statique au fil des ans, mais les coûts de la conduite des enquêtes « ont considérablement augmenté », indique le rapport.

Il exhorte le gouvernement canadien à augmenter les ressources du programme fédéral, à améliorer la protection des victimes et des témoins et à éliminer les divers obstacles juridiques et politiques aux poursuites.

Le rapport a été coordonné par Sébastien Jodoin, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les droits de la personne et l’environnement à l’Université McGill, et élaboré avec la contribution d’avocats, de juristes et d’étudiants en droit.

Plusieurs obstacles

Le rapport affirme que bien que le Canada ait défini les crimes contre l’humanité comme une infraction en vertu du droit national, il n’a pas inclus les crimes de disparition forcée, d’apartheid, d’exécution extrajudiciaire ou de transfert forcé de populations en vertu du droit intérieur.

En outre, il existe « de nombreux autres obstacles » aux poursuites dans les affaires de compétence universelle, tels que des principes de responsabilité criminelle différents de ceux que l’on trouve dans le droit international.

Le Canada est un havre pour les infractions politiques ou militaires parce que des individus ne peuvent être extradés pour de tels crimes, ajoute le rapport.

Parmi les recommandations :

– Accorder au Programme sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre des ressources suffisantes pour enquêter sur les personnes soupçonnées d’avoir commis un crime en vertu du droit international et les poursuivre devant un tribunal canadien ;

– Veiller à ce que l’extradition ou une enquête criminelle aille de l’avant lorsqu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture a été commis à l’extérieur du Canada par une personne soumise à la juridiction du Canada ;

– Veiller à ce que les critères permettant de décider d’enquêter ou de poursuivre les crimes de droit international soient élaborés de manière transparente en étroite consultation avec la société civile et excluent toute considération politique ;

– Permettre aux victimes et à leurs familles de déposer des réclamations civiles pour toutes sortes de réparations dans les procédures civiles et pénales fondées sur la compétence universelle pour les crimes de droit international ;

– Améliorer la coopération avec les enquêtes et les poursuites dans d’autres États.