(Ottawa) Le service d’espionnage du Canada déploie en douce une stratégie visant à recueillir et à utiliser des bases de données contenant des renseignements personnels sur les Canadiens, selon ce que révèlent des documents récemment rendus publics.

Le Service canadien du renseignement de sécurité affirme que cette initiative — rendue possible grâce à une loi en matière de sécurité adoptée l’an dernier — va permettre à l’agence d’amasser d’importants volumes d’informations pour ensuite détecter des tendances encore inconnues.

Toutefois, ce nouveau pouvoir de récolter, filtrer et conserver toutes ces données personnelles de citoyens inquiète les défenseurs des libertés civiles.

Selon le coordonnateur de la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles (CSILC), Tim McSorley, le gouvernement devrait donner une meilleure idée aux Canadiens du type d’information que le SCRS est maintenant autorisé à exploiter.

Il cite notamment les risques bien connus d’erreurs sur la personne dans l’identification de gens considérés comme des menaces à la sécurité.

« Cela aiderait à garantir la protection des droits des Canadiens », a déclaré M. McSorley dont l’organisme est établi à Ottawa.

Dans une perspective plus large, Tim McSorley se demande si les Canadiens veulent vraiment « aller dans cette direction où les agences de renseignement collectent et conservent de grandes quantités d’informations ? »

Des notes de service transmises à La Presse canadienne en vertu de la Loi sur l’accès à l’information montrent que le SCRS a enclenché le processus en juillet dernier par une demande à celui qui était alors ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale.

Le service d’espionnage demandait au ministre d’approuver les divers types de données qu’il souhaitait pouvoir récolter sur les Canadiens.

« L’analyse des données est un outil d’enquête essentiel pour le service, fournissant au SCRS la capacité d’établir des liens et d’identifier des tendances qu’il ne serait pas possible d’observer autrement par le biais des méthodes d’enquête traditionnelles », écrit le directeur du SCRS, David Vigneault, à l’intention de M. Goodale.

En vertu de la loi, le ministre de la Sécurité publique peut approuver une catégorie d’ensembles de données que peut collecter le SCRS si celle-ci est jugée pertinente pour les enquêtes du service. Le commissaire fédéral au renseignement, Jean-Pierre Plouffe, examine les conclusions du ministre pour déterminer si elles sont raisonnables.

Une fois que le SCRS recueille un ensemble de données, un employé désigné doit déterminer s’il correspond à l’approbation ministérielle. Pendant cette période d’évaluation, l’utilisation opérationnelle des données est interdite.

De plus, le SCRS doit s’adresser à la Cour fédérale s’il souhaite conserver un ensemble de données sur des Canadiens.

Dans une autre note rédigée par des fonctionnaires pour l’ex-ministre Goodale, ceux-ci l’avertissent du fait que la première année d’application de la nouvelle loi représente « un processus d’apprentissage ».

Les détails sur les types de données que le SCRS voulait recueillir, y compris les justifications pour chacun d’entre eux, ont été caviardés pour des raisons de sécurité.

Selon Tim McSorley, les données autorisées à être recueillies devraient se limiter aux informations qui sont manifestement liées à une menace pour la sécurité du Canada.

Il s’interroge notamment sur la pertinence de conserver des données sur les Canadiens qui voyagent dans certains pays d’intérêt pour le SCRS. Pour M. McSorley, de nombreux Canadiens ont des raisons légitimes de faire de tels voyages.