(Ottawa) Le service d’espionnage canadien a régulièrement obtenu des rapports provenant du secteur de l’énergie sur des menaces perçues, et a conservé ces informations dans leurs dossiers au cas où elles se révéleraient utiles ultérieurement, indiquent des documents récemment rendus publics.

Le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) est censé ne conserver que les informations « strictement nécessaires » pour faire son travail et l’agence pourrait devoir répondre à des questions afin de savoir si elle recueille et conserve des informations sur des groupes ou des personnes qui ne représentent aucune menace réelle.

Les détails des pratiques du SCRS émergent dans un dossier présenté par la British Columbia Civil Liberties Association devant la Cour fédérale du Canada.

Dans une plainte déposée en février 2014 auprès du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, l’association avait allégué que le service d’espionnage avait outrepassé son autorité légale en surveillant les écologistes opposés au projet d’oléoduc d’Enbridge Northern Gateway, maintenant abandonné.

Elle accusait également le SCRS de partager des informations sur les opposants avec l’Office national de l’énergie et des sociétés du secteur pétrolier, dissuadant ainsi les gens de faire entendre leur point de vue et de s’associer à des groupes environnementaux.

Le comité de surveillance a rejeté la plainte de l’association des libertés civiles en 2017, l’amenant à demander à la Cour fédérale de réexaminer le dossier.

Au cours de ce processus, plus de 8000 pages de documents autrefois secrets, y compris des transcriptions fortement caviardées d’audiences à huis clos, sont devenues publiques, donnant un aperçu des délibérations du comité de surveillance.

Au cours d’une audience, un responsable du SCRS dont l’identité est confidentielle a déclaré au comité que des informations fournies volontairement par des sociétés du secteur de l’énergie avaient été conservées dans une base de données des services d’espionnage.

« Elles ne sont pas utilisées, elles ne font que dormir là », a déclaré un responsable du SCRS. « Mais si quelque chose devait arriver, si de la violence devait éclater, alors nous y reviendrions et nous pourrions voir que nous avions les informations […] Ce sont simplement des informations qui nous ont été fournies et nous devons les enregistrer. »

« Si quelque chose se passait après et que nous ne l’avions pas consigné, nous serions responsables de ne pas avoir conservé les informations. »

Le comité de surveillance a entendu plusieurs témoins et examiné des centaines de documents faisant le bilan de la plainte de l’association.

Le comité de surveillance a conclu que le SCRS avait recueilli des informations sur des groupes pacifiques antipétrole, mais seulement de manière fortuite lors d’enquêtes sur des menaces légitimes à l’endroit de projets tels que des oléoducs.

Des groupes de défense de l’environnement et des groupes militants tels que Leadnow, Dogwood Initiative et le Conseil des Canadiens sont cités dans les milliers de pages de rapports opérationnels du SCRS examinés par le comité de surveillance.

Toutefois, le rapport du comité indique que les activités du SCRS ne se sont pas axées sur la surveillance des organisations engagées dans des activités légitimes de défense des droits, de protestation ou de dissidence.

Un témoin du SCRS a déclaré que le service d’espionnage « n’a pas pour tâche d’enquêter sur les environnementalistes parce qu’ils plaident en faveur d’une cause environnementale, point final ».

Néanmoins, le comité de surveillance a exhorté le SCRS à ne conserver que les informations « strictement nécessaires », comme le stipule la loi régissant le service d’espionnage.