(Montréal) Les Québécois sont beaucoup moins susceptibles que le reste des Canadiens d’avoir appris l’histoire de l’Holocauste à l’école, d’avoir lu un livre sur ce génocide perpétré durant la Seconde Guerre mondiale ou même d’avoir été en contact avec une personne juive, révèle un nouveau sondage.

Les résultats de ce sondage de la firme Léger ont été dévoilés alors que les actes d’antisémitisme sont en hausse à travers le pays et que des universitaires québécois préparent un guide pédagogique pour aider les enseignants de la province à aborder le sujet des génocides en classe.

Plus de 53 % des Québécois sondés ont déclaré que le massacre d’environ six millions de Juifs européens par les nazis ne leur avait pas été enseigné à l’école, comparativement à environ 35 % de l’ensemble des Canadiens.

Plus de 61 % des Québécois ont dit n’avoir jamais lu un seul livre sur l’Holocauste, par rapport à la moyenne de 41 % des répondants canadiens. Et 36 % des Québécois interrogés ont déclaré qu’ils n’avaient jamais été en contact avec une personne juive, contre une moyenne canadienne de 18 %.

La firme Léger a sondé un total de 1560 Canadiens, dont 418 Québécois, âgés de 18 ans et plus, entre les 7 et 11 juin dernier, dans le cadre d’un sondage demandé par le président de l’Association d’études canadiennes, Jack Jedwab.

En entrevue avec La Presse canadienne, samedi, l’historien dit avoir été étonné par cet écart considérable entre le Québec et le reste du pays.

La professeure en sciences de l’éducation à l’Université du Québec à Trois-Rivières Sivane Hirsch se dit pour sa part peu surprise par les résultats.

Ses recherches sur l’enseignement de l’Holocauste dans la province lui ont permis de constater que les enseignants hésitaient à approfondir cette matière puisqu’elle leur semble complexe, délicate et peu susceptible d’intéresser les jeunes.

Le nombre de Québécois prétendant n’avoir jamais rencontré une personne juive est à son avis « normal », puisque la communauté juive de la province est surtout anglophone et concentrée à Montréal.

Près de la moitié des jeunes de cette communauté vont à l’école juive, a-t-elle également souligné.

Outre les Québécois, les répondants les moins susceptibles de s’être vu enseigner l’Holocauste provenaient de l’Ontario et des provinces de l’Atlantique. Seulement 31 % d’entre eux ont dit s’être familiarisés avec ce chapitre sombre de l’histoire sur les bancs d’école.

En avant-dernière position devant les Québécois, environ 38 % des répondants du Manitoba et de la Saskatchewan — qui ont été sondés ensemble — ont dit n’avoir jamais lu un ouvrage traitant de l’Holocauste.

Les Ontariens étaient pour leur part les plus nombreux à connaître une personne juive, avec seulement 12 % d’entre eux affirmant n’avoir jamais été en contact avec un membre de cette communauté.

L’éducation à la tolérance

Selon Jack Jedwab, les résultats de ce sondage devraient sonner l’alarme pour le ministre de l’Éducation du Québec, puisque le fait d’en apprendre davantage sur le génocide juif renforce selon lui la tolérance et habilite à lutter contre la discrimination.

Selon l’organisation juive B’nai Brith Canada, le nombre d’incidents antisémites signalés au Québec a bondi de 50 % l’an dernier, passant de 474 cas rapportés en 2017 à 709 cas en 2018.

Sur la même période, le nombre d’incidents à caractère haineux envers les Juifs a progressé d’environ 17 % à l’échelle du Canada, pour s’établir à 2041 cas.

Le seuil des 2000 incidents annuels a ainsi été franchi pour la première fois depuis 1982. B’nai Brith Canada relève que l’an dernier été caractérisé par une augmentation significative de ce type d’incidents antisémites partout dans le monde.

En réponse à ce phénomène, la Fondation pour l’étude des génocides s’est associée au gouvernement du Québec pour mieux outiller les enseignants du secondaire.

Sivane Hirsch est l’une des deux universitaires derrière le guide pédagogique qui sera rendu disponible dès cet automne au personnel enseignant de quelques écoles.

En avril dernier, la directrice de la Fondation, Heidi Berger, avait déclaré à La Presse canadienne que son objectif était de diffuser ce guide dans toutes les écoles secondaires publiques et privées de la province d’ici 2020.