L’insécurité alimentaire au Nunavut a augmenté après la mise en place d’un programme fédéral de lutte contre la faim dans le Nord, conclut une nouvelle étude.

L’étude publiée mardi dans le Journal de l’Association médicale canadienne révèle que la capacité des habitants du Nord à mettre de la nourriture sur la table de façon fiable a considérablement diminué au cours des années de déploiement de Nutrition Nord Canada.

Cela malgré un budget qui est passé de 60 millions en 2011 à 99 millions l’an dernier, en hausse de 65 %.

« Nous pouvons certainement constater que [l’insécurité alimentaire] a augmenté malgré la présence de ce grand programme censé rendre les aliments plus abordables et plus accessibles », a déclaré Andrée-Anne Fafard St-Germain, une chercheuse à l’Université de Toronto.

L’accès insuffisant à des aliments nutritifs en raison du manque d’argent est un problème majeur dans le Nord, où l’épicerie coûte souvent deux ou trois fois plus cher qu’ailleurs. Les taux d’insécurité alimentaire sont environ quatre fois plus élevés que dans le sud du Canada.

Le gouvernement fédéral contribue depuis longtemps aux achats d’épicerie dans l’Arctique. En 2011, Nutrition Nord avait été institué par le gouvernement conservateur pour remplacer un programme de subventions aux expéditeurs d’aliments. Cette subvention a été transférée aux détaillants parce que le gouvernement fédéral croyait que les forces du marché rendraient le programme plus efficient et tout aussi efficace.

Ottawa affirme qu’entre 2011 et 2015, le coût d’un panier à provisions pour une famille de quatre personnes a diminué d’environ 5 % et le poids des articles admissibles expédiés vers le Nord a augmenté d’environ 25 %.

Cependant, en analysant les réponses aux enquêtes de 2007 à 2016 recueillies par Statistique Canada dans dix communautés du Nunavut, Mme Fafard St-Germain a constaté que ces chiffres ne se répercutaient pas sur la facture d’épicerie.

En 2010, l’insécurité alimentaire touchait 33 % des familles. Ce nombre a augmenté en 2011 pour atteindre 39 %. En 2014, un an après la mise en œuvre complète de Nutrition Nord, près de 47 % des habitants du Nord ne pouvaient pas compter sur une alimentation fiable.

Ces résultats ne sont pas le résultat de changements économiques sur le territoire, a déclaré Mme Fafard St-Germain. Les choses ne se sont pas améliorées depuis.

« Chaque période semble simplement s’aggraver, en général, a-t-elle dit. Plus de nourriture est expédiée. Plus de nourriture est consommée. Mais en même temps, plus de gens nous disent qu’ils ne peuvent pas mettre de la nourriture sur la table. »

Mme Fafard St-Germain a reconnu que ses données n’expliquaient pas pourquoi.

Elle suggère que les familles qui en ont les moyens achètent de plus grandes quantités d’aliments subventionnés. Les familles à faible revenu — et le Nunavut présente de grandes disparités de revenus — seraient laissées de côté.

« Il est possible que certaines personnes mangent plus de fruits et légumes, ainsi que du lait et tous les aliments subventionnés. Mais d’autres n’en bénéficient pas vraiment, car les aliments sont encore trop chers », a-t-elle dit.

Le travail de Mme Fafard St-Germain est le premier à examiner l’impact de Nutrition Nord sur les familles, mais ce n’est pas le premier à trouver des lacunes.

Une étude menée en 2016 a révélé que le programme envoyait des aliments périmés et de mauvaise qualité dans les magasins sans rendre les factures d’épicerie plus abordables.

Le vérificateur général a constaté en 2014 que le gouvernement ignorait si Nutrition Nord avait réellement apporté quelque chose aux personnes qui en avaient le plus besoin.

Cette année-là également, la nutritionniste territoriale du Nunavut a découvert que près des trois quarts des enfants d’âge préscolaire inuits vivaient dans des foyers exposés à l’insécurité alimentaire. La moitié des 11-15 ans allaient parfois se coucher le ventre vide.

Le gouvernement fédéral a promis une réforme. Un groupe de travail devrait présenter ses recommandations au début de l’année prochaine.