(Ottawa) Les Forces armées canadiennes (FAC) ont un nouveau manuel sur la façon de gérer les cas d’inconduite sexuelle, dans le but de combler plusieurs lacunes dans les politiques de l’armée en matière d’agression au sein de ses rangs.

Toutefois, certaines préoccupations restent sans réponse, notamment le règlement sur le « devoir de signaler », qui, selon certains, dissuade les victimes de demander de l’aide si elles ne sont pas prêtes ou désireuses de déposer une plainte officielle.

Les informations contenues dans le document de 100 pages se retrouvaient auparavant à plusieurs endroits, ce qui, selon un rapport du ministère de la Défense, semait la confusion et l’incertitude chez plusieurs membres de l’armée.

Certains n’avaient qu’une vague compréhension de ce qui constituait un comportement inapproprié et de ce qu’il fallait faire si un incident survenait — notamment en ce qui a trait à l’appui à fournir aux victimes.

Le nouveau guide, qui a été élaboré à la suite de consultations avec le Centre d’intervention sur l’inconduite sexuelle des FAC et un groupe d’experts de l’externe, s’efforce de traiter ce dernier enjeu précis.

L’une des premières sections explique que certaines personnes affectées par de l’inconduite sexuelle préfèrent se faire appeler des « survivantes » plutôt que des « victimes », et que d’autres n’apprécient aucun des deux termes.

Des directives aux commandants

Le manuel discute également des rôles, des responsabilités et de la formation disponible pour chaque membre de l’armée, ainsi que des responsabilités supplémentaires des commandants pour soutenir les victimes et enquêter sur les incidents.

Dans un rapport publié en novembre dernier, le vérificateur général du Canada Michael Ferguson avait révélé que de nombreuses victimes n’étaient pas correctement soutenues lorsqu’elles dénonçaient en raison des lacunes dans les services disponibles et du manque de formation et de politiques appropriées.

À cette fin, les commandants reçoivent également un nouveau document pour les aider à comprendre le traitement progressif des dossiers d’inconduite sexuelle — et se font rappeler de consulter les victimes à chaque étape.

Ces consultations avec les victimes ne doivent pas être perçues comme des mises à jour à sens unique, mais bien comme une occasion de s’assurer que chaque victime a le soutien dont elle a besoin et a son mot à dire sur la manière dont l’affaire est traitée, indique-t-on.

Le Centre d’intervention sur l’inconduite sexuelle travaille également sur des projets visant à fournir des travailleurs sociaux ou des agents de liaison aux membres affectés par de l’inconduite sexuelle.

Le controversé « devoir de signaler »

Mais le « devoir de signaler » reste. Il oblige les militaires à dénoncer tous les comportements inappropriés ou criminels — qu’ils soient de nature sexuelle ou non — aux autorités supérieures, qui ensuite entament un processus formel de plainte.

Le chef d’État-major de la défense du Canada, Jonathan Vance, a expliqué que l’idée était de dénoncer les cas d’inconduite sexuelle, mais l’effet d’un tel règlement peut être d’exposer l’affaire au grand jour, contrairement à la volonté de la victime. M. Ferguson et l’ancienne juge de la Cour suprême, Marie Deschamps — qui a produit un rapport explosif sur les problèmes d’inconduite sexuelle dans l’armée en 2015 — ont critiqué le règlement, jugeant qu’il dissuade les victimes à dénoncer.

Le général Vance a affirmé que l’armée réfléchissait à des moyens de maintenir le règlement, tout en protégeant davantage les victimes.

Dans son rapport, le vérificateur général avait aussi mentionné que la police militaire avait tendance à ne pas informer adéquatement les victimes sur le soutien dont elles peuvent bénéficier et sur les mises à jour dans leur dossier. Il s’est aussi dit préoccupé par le manque de formation parmi les aumôniers et les professionnels de la santé.