Le patron de la nouvelle Autorité des marchés publics, Denis Gallant, anticipe un mouvement de dénonciations comme celui qui a suivi la création du BIG de Montréal.

L'attribution des contrats gouvernementaux risque de subir un ralentissement avec la mise en service de l'Autorité des marchés publics (AMP), prévient son président-directeur général Denis Gallant.

Devant un parterre composé notamment de hauts fonctionnaires, de représentants de ministères, d'organismes, de municipalités, d'entreprises privées et de plusieurs cabinets d'avocats, M. Gallant a indiqué hier, lors d'une présentation à Montréal du nouvel organisme de surveillance et d'encadrement des marchés publics, que « les plaintes vont ralentir les appels d'offres publics ». « Ça va changer la donne. »

Si l'AMP a vu le jour avec l'adoption à l'unanimité du projet de loi 108 en décembre 2017, elle entre officiellement en action ce vendredi. Les pouvoirs d'enquête, de recommandation et d'ordonnance seront alors officiels. Il faudra toutefois attendre au 25 mai prochain pour que l'AMP puisse recevoir des plaintes. C'est à partir de ce moment que Denis Gallant s'attend à un nombre important de réactions venant du public, du personnel des donneurs d'ouvrage publics et des soumissionnaires.

« Je l'anticipe », a-t-il précisé en se référant à sa propre expérience lors de la création du Bureau de l'inspecteur général de Montréal (BIG) en 2014.

Le mouvement de dénonciations avait été important lors des premières années, mais s'était stabilisé par la suite, a-t-il souligné.

Pour l'AMP, Denis Gallant dit avoir prévu les équipes nécessaires pour répondre à la demande. Le défi de la rapidité de réaction demeure toutefois entier : les délais de traitement des plaintes sont très courts puisque tout se déroulera en plein coeur du processus d'appel d'offres.

Dès qu'une plainte sera déposée auprès du donneur d'ouvrage (le ministère des Transports, une commission scolaire ou un hôpital, par exemple), parce qu'il est allégué qu'il n'y a pas un traitement équitable des concurrents, par exemple, l'organisme devra y répondre par écrit au plus tard trois jours avant la date limite du dépôt des soumissions. Si le plaignant est insatisfait, il pourra alors se tourner vers l'AMP qui aura 10 jours pour réviser la décision, à moins d'une entente de prolongation.

Justification publique du gré à gré

L'AMP, qui correspond dans ses grandes lignes à la première recommandation de la commission Charbonneau, s'intéressera également aux contrats publics attribués de gré à gré. Ne pas recourir au processus d'appel d'offres public est chose courante chez plusieurs donneurs d'ouvrage, ce qui peut se justifier (l'urgence d'agir ou l'utilisation d'un matériau qu'un seul fournisseur possède, par exemple). Avec la présence de l'AMP, les motifs pour conclure un contrat de gré à gré seront publics.

De la même façon, le ministère, la municipalité ou tout autre donneur d'ouvrage public devra publier son intention d'accorder un contrat de gré à gré à telle ou telle entreprise. Cet avis se retrouvera dans le Système électronique d'appel d'offres du gouvernement (SEAO). Ainsi, des entreprises pourront manifester leur intérêt ou leur désaccord envers ce mode d'attribution, et porter plainte.

Rappelons que l'AMP peut suspendre l'exécution d'un contrat gouvernemental ou même le résilier. Il ne peut toutefois qu'en faire la recommandation dans le monde municipal (municipalité, communauté métropolitaine, société de transport, par exemple). La recommandation sera toutefois publique, ce qui pourrait peser dans la balance, croit Denis Gallant.

Le BIG à Montréal

À Montréal, c'est le BIG qui exercera les fonctions et les pouvoirs de l'AMP. L'inspectrice générale, Me Brigitte Bishop, soutient que tout est en place pour s'ajuster aux nouvelles règles. « J'ai changé la structure. J'ai un avocat que je forme dans cette équipe dédiée », a-t-elle dit.

La valeur des contrats publics attribués année après année atteint quelques dizaines de milliards de dollars au Québec. En 2016-2017, il s'agissait de 33 milliards, a souligné hier l'Unité permanente anticorruption (UPAC) qui participait à l'événement organisé par le journal Les Affaires. Tous les contrats attribués par la Caisse de dépôt et placement dans le projet de train électrique (Réseau express métropolitain-REM), totalisant 6,3 milliards d'investissements, ne sont pas assujettis à la surveillance de l'AMP.