(Ottawa) Si le ministre des Transports, Marc Garneau, juge que la sécurité ferroviaire au pays s’est améliorée, il demeure préoccupé par le nombre de blessures et de décès aux passages à niveau, ainsi que par les accidents de train transportant des matières dangereuses.

En entrevue avec La Presse canadienne pour faire part de la réponse de Transports Canada au plus récent examen du régime législatif sur la sécurité ferroviaire, il tire ce constat : « En général, la situation s’améliore, mais il reste du travail à faire, j’en suis conscient. »

La sécurité de la population demeure sa priorité, a-t-il insisté.

De récentes statistiques du Bureau de la sécurité des transports (BST) pour l’année 2018 l’ont d’ailleurs inquiété.

Les chiffres globaux font état d’une augmentation des accidents de train de 7 % par rapport à 2017 et de 13 % par rapport à la moyenne sur cinq ans. Les accidents impliquant des matières dangereuses sur des voies principales sont en hausse, passant de 10 à 2017 à 17 en 2018. Les accidents mortels reliés aux trains ont toutefois diminué de 19 par rapport à l’année précédente qui en avait compté 76.

Déçu de ces chiffres et constatant en même temps l’augmentation du transport de marchandises par train, il a jugé bon d’écrire jeudi aux dirigeants du CN et du CP pour leur exprimer sa « préoccupation », indiquant que ces chiffres suggèrent que le progrès pour améliorer la sécurité a « ralenti ».

Il les a avertis : puisque le transport de matières dangereuses a augmenté, les inspections de Transports Canada vont aussi augmenter au cours des prochaines semaines.

« La diminution de décès reliés aux trains est certainement positive, mais le nombre de décès et les blessures sérieuses du personnel ferroviaire qui se sont produits au cours des deux dernières années demeurent trop élevés », écrit le ministre dans sa lettre aux transporteurs ferroviaires.

« Je continue à recevoir de nombreuses correspondances d’employés qui sont préoccupés par leur sécurité au travail », ajoute-t-il.

Par courriel, CP a confirmé avoir reçu la lettre du ministre et a réitéré son engagement envers la sécurité de ses activités.

« La sécurité est une valeur fondamentale pour le CN et nous avons toujours travaillé en collaboration avec le gouvernement fédéral sur ces enjeux », a renchéri un porte-parole du CN, Jonathan Abecassis.

Examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire

Le ministre répond aussi cette semaine officiellement à l’examen législatif de la Loi sur la sécurité ferroviaire — qu’il a lancé un an plus tôt que prévu pour pouvoir s’attaquer plus rapidement à cet enjeu. Le comité indépendant chargé de ce mandat a rendu son rapport en mai 2018, après un an de travaux.

L’exercice a révélé que le réseau de transport ferroviaire du Canada devient de plus en plus sécuritaire, compte tenu notamment de nombreux changements apportés à la suite de la tragédie de Lac-Mégantic, écrit le comité. Il estime toutefois que le régime doit être modernisé afin d’adopter de nouvelles technologies — désormais disponibles — pouvant améliorer la sécurité de tous.

M. Garneau s’est dit d’accord avec les 16 recommandations formulées dans le rapport. « Ça va dans le bon sens », juge-t-il, énonçant avoir pris les devants sur plusieurs points.

L’un d’entre eux vise la fatigue des employés ferroviaires, un élément jugé prioritaire par le ministre.

Il attend d’ailleurs d’ici la mi-mai, de la part des compagnies de chemin de fer, les nouvelles règles relatives au temps de travail et de repos, qu’il avait ordonné aux entreprises de lui fournir d’ici là.

« Il faut être à son meilleur quand on conduit un train qui peut avoir de deux à trois kilomètres de long. »

Si ces règles ne le satisfont pas, il promet de renvoyer les entreprises à la table à dessin.

« On va retourner les voir et leur dire qu’on n’est pas satisfait », assure-t-il, « on va pousser très fort ».

Mais pas de sanctions pour l’instant pour celles qui tardent ou dont les règles ne sont pas satisfaisantes. Il n’anticipe pas à avoir à se rendre jusque-là, jugeant très constructives les discussions engagées avec les entreprises jusqu’à maintenant.

Le BST a cité le manque de sommeil comme facteur ayant contribué à 23 accidents de train sur lesquels il a enquêté depuis 1994, y compris la tragédie de Lac-Mégantic, qui a fait 47 morts en juillet 2013.

Les accidents aux passages à niveau demeurent toutefois une préoccupation importante du ministre. Le rapport du comité a souligné qu’ils sont responsables de la plupart des décès et des blessures graves liés au transport ferroviaire.

Le fédéral a investi l’an dernier pour améliorer 105 passages et le dernier budget fédéral a prévu 229 millions pour la sécurité, notamment celle des passages à niveau.

Cette responsabilité de prévenir les accidents entre trains et véhicules est partagée avec les municipalités et M. Garneau soutient que le ministère a mis beaucoup d’efforts pour sensibiliser les entreprises et les municipalités sur l’importance de renforcer les mesures de protection.

Le nombre de déraillements est aussi encore trop élevé, juge-t-il. Si la plupart surviennent dans les gares de triage, ils mettent les employés en danger — et aussi la population qui vit à proximité si des matières dangereuses sont déversées —, explique M. Garneau.

Beaucoup de travail a été abattu depuis le drame de Lac-Mégantic, notamment le retrait progressif des wagons DOT-111 — ceux qui ont explosé lors de cette tragédie ferroviaire — et d’autres types qui sont aussi moins résistants aux accidents, fait valoir le ministre. Les règles pour les trains laissés sans surveillance ont aussi été renforcées, et la vitesse a été réduite pour ceux qui transportent des matières dangereuses.

Transports Canada publiera bientôt — probablement d’ici l’été — un règlement obligeant les locomotives à être munies d’enregistreurs audio-vidéo, ce qui va aider à déterminer les causes d’accidents.

Le dernier Examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire avait eu lieu en 2007.

L’Association des chemins de fer du Canada (ACFC) a accueilli favorablement la réponse du ministre des Transports aux recommandations du comité suite à l’examen législatif, auquel elle a participé.

« Le secteur ferroviaire appuie l’engagement du ministre des Transports à l’égard de la sécurité, une valeur fondamentale qui sous-tend nos activités au quotidien, a déclaré Marc Brazeau, président-directeur général de l’ACFC. L’Association salue aussi les efforts du gouvernement visant à accélérer l’utilisation de la technologie et l’innovation. »