Ottawa compte agir dès mercredi afin d'accélérer le processus de « pardon » pour les Canadiens qui ont déjà été reconnus coupables de possession simple de marijuana, a appris La Presse canadienne.

Le gouvernement en fera l'annonce le jour même de l'entrée en vigueur de la légalisation du cannabis.

Le gouvernement libéral de Justin Trudeau avait déjà mis en place un tel système pour les Canadiens condamnés pour avoir eu des rapports sexuels consensuels avec des partenaires de même sexe, alors que ces relations ont été interdites par le Code criminel pendant des décennies.

Le premier ministre Justin Trudeau a dû faire face à des pressions intenses, y compris au sein même de son caucus, pour se pencher sur cet enjeu de suspension du casier judiciaire, en raison des conséquences de telles accusations de possession simple pour les Canadiens marginalisés.

Murray Rankin, porte-parole du Nouveau Parti démocratique en matière de justice, a récemment déposé aux Communes un projet de loi prévoyant la radiation du casier judiciaire des Canadiens qui ont été condamnés pour possession simple de cannabis.

Jusqu'à mercredi, la possession simple de marijuana - pour consommation personnelle, sans intention de trafic - était passible d'une amende pouvant aller jusqu'à 1000 $ et d'une peine d'emprisonnement de six mois. Les inculpés pouvaient demander cinq ans plus tard à la Commission des libérations conditionnelles que leur casier judiciaire soit « suspendu ». Le casier n'est pas effacé : il est par contre retiré de la base de données du Centre d'information de la police canadienne, et classé à part des autres dossiers criminels.

Une telle suspension du casier peut faciliter l'obtention d'un emploi, les déplacements à l'étranger et la contribution générale à la société. Mais les longs délais et le coût de ces demandes de suspension constituent des freins pour certaines personnes.

Lors d'une séance d'information tenue quelques heures avant la légalisation du cannabis au Canada, des responsables fédéraux ont déclaré mardi aux journalistes que les discussions au sein de l'appareil gouvernemental avaient porté sur l'accélération des demandes de pardon, mais pas sur une amnistie générale des inculpés.

Les responsables ont expliqué qu'une grande partie des documents nécessaires pour une telle amnistie générale se trouve dans les multiples palais de justice du pays : le gouvernement fédéral et la Commission des libérations conditionnelles auraient donc du mal à traiter rapidement ces demandes.

Abandon des accusations ?

Les hauts fonctionnaires à Ottawa ont par ailleurs précisé mardi que les Canadiens qui sont actuellement accusés de possession simple pourraient être poursuivis même après la légalisation de mercredi. Mais la grande majorité des causes liées à la drogue sont traitées par des procureurs fédéraux, et ils pourraient décider, dans l'intérêt public, de ne pas engager de poursuites, ont admis les responsables.

La réunion d'information de mardi faisait partie d'une dernière tentative du gouvernement fédéral pour répondre aux questions toujours en suspens face à un changement social et politique majeur, qui fait du Canada le premier pays du G7 à légaliser la consommation de cannabis à des fins récréatives, et la possession de petites quantités de marijuana.

Les fonctionnaires, qui ont parlé sous le couvert de l'anonymat, ont admis discrètement qu'ils se posaient encore de nombreuses questions - notamment sur la façon dont Santé Canada traitera les plaintes, sur les campagnes de sensibilisation et sur les tests de dépistage de la conduite automobile avec les facultés affaiblies par le cannabis.

Par ailleurs, le ministre de la Réduction du crime organisé, Bill Blair, a concédé mardi qu'il existait des risques « très importants » pour la santé publique et la société liés aux formes comestibles de marijuana, des produits susceptibles d'être largement achetés sur le marché noir tant qu'il sera illégal de les produire ou de les vendre au Canada.

Santé Canada devrait publier d'ici un an une réglementation sur les produits comestibles, a déclaré M. Blair, qui met en garde les consommateurs contre leur utilisation immédiate, puisque leur puissance n'est pas connue.

« Il sera très difficile de les consommer de façon sécuritaire tant que ces réglementations ne seront pas en place », a-t-il soutenu.