La Gendarmerie royale du Canada (GRC) a reçu une seule demande d'accommodement religieux en provenance du Québec ces dernières années, révèlent des documents obtenus par La Presse, au moment où la mairesse de Montréal invite le corps policier de la métropole à se pencher sur le port du hijab et du turban par ses officiers.

La majorité des agents de la GRC qui ont obtenu des exemptions vestimentaires sont de religion sikhe ou musulmane, indiquent les notes internes obtenues en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. On retrouve aussi parmi eux un chrétien de l'Église apostolique arménienne.

L'unique demande faite par un agent québécois de la GRC a été signée à Montréal en mai 2015. Dans sa « déclaration de croyances ou d'exigences religieuses », l'agent, dont le nom a été caviardé, certifie vouloir porter la « barbe pleine » en raison de ses convictions religieuses.

Citant un jugement rendu en 2004 par la Cour suprême du Canada, le document officiel de la GRC mentionne « les profondes croyances ou convictions qui se rattachent à la foi spirituelle de l'individu [...] dont les pratiques permettent à l'individu de communiquer avec l'être divin ou avec l'objet de cette foi spirituelle ».

AVIS D'EXEMPTION

Les « avis d'exemption » autorisant une modification de l'uniforme traditionnel de la GRC sont tous signés par Bob Paulson, qui était commissaire du corps policier jusqu'en juin dernier. Dans la plupart des cas, ces autorisations spéciales permettent aux policiers de porter un couvre-chef non réglementaire, un kirpan ou encore à arborer une pilosité faciale.

La GRC autorise depuis 1990 ses agents de religion sikhe à porter un turban avec leur uniforme. Les femmes de confession musulmane peuvent quant à elles porter le hijab depuis 2016.

La GRC leur fournit des équipements spéciaux qui répondent aux plus hautes normes de sécurité, a indiqué hier la porte-parole Tania Vaughan.

Les cas d'accommodement vestimentaire pour des motifs religieuse demeurent exceptionnels au sein de la GRC, qui compte 28 000 employés. En date du 23 mars, 11 employés actifs de la GRC portaient le turban, et une femme le hijab, a indiqué Mme Vaughan.

« Les membres réguliers qui désirent être exemptés de porter le chapeau de feutre traditionnel doivent faire une déclaration de croyances religieuses et obtenir du commissaire l'autorisation de porter un turban ou un hijab fourni par la GRC comme tenue vestimentaire appropriée », a-t-elle précisé.

UN ATOUT, DIT TRUDEAU

En visite à Québec hier pour une rencontre préparatoire au Sommet du G7, le premier ministre Justin Trudeau a estimé que les mesures mises en place depuis des années par la GRC constituaient un succès.

« Ça fait des années que la GRC permet ça, et ça permet d'avoir une force policière qui ressemble un peu plus à la communauté qu'elle dessert. C'est un atout, je crois, pour la GRC. »

- Justin Trudeau, premier ministre

Justin Trudeau a ajouté que c'est aux différents corps policiers de décider d'appliquer ou pas une telle politique. Un avis partagé par son homologue Philippe Couillard.

« Le meilleur endroit où ces décisions se prennent, c'est au niveau des corps de police des municipalités, a déclaré le premier ministre du Québec. Je vois que Mme [Valérie] Plante et son chef de police sont là-dessus, j'ai entièrement confiance en leur jugement. »

Mercredi, les trois partis de l'opposition à Québec se sont élevés contre l'ouverture de la mairesse Valérie Plante à assouplir le code vestimentaire des policiers municipaux pour accommoder certaines communautés religieuses. Ils ont demandé en choeur au gouvernement libéral d'appliquer la recommandation de la commission Bouchard-Taylor d'interdire le port de signes religieux aux fonctionnaires en position d'autorité.

Mais Québec s'en remettra plutôt aux dispositions du projet de loi 62, adopté l'an dernier. Cette mesure législative prévoit que les services gouvernementaux doivent être donnés à visage découvert. Rien dans la loi n'interdit à un policier en devoir de porter un turban ou un hijab ne couvrant pas le visage.

« On a agi sur cette question comme on a dit qu'on le ferait, a dit Philippe Couillard. Pour nous, la question en ce qui nous concerne est close. »

- Avec William Leclerc, La Presse

Chris Wattie, archives Reuters

Sur cette photo, un kirpan.