Des organismes d'aide aux autochtones accusent des policiers du Service de police de Montréal de faire preuve de discrimination raciale lors de leurs interventions auprès d'Inuits et de membres des premières nations dans la métropole.

Quatre dirigeantes de divers organismes ont fait aujourd'hui état, devant la Commission d'enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec, de plusieurs incidents dont elles ont eu vent dans le cadre de leur travail. Ces incidents ont eu lieu dans le secteur du square Cabot à Montréal, près de l'ancien Forum et de la station de métro Atwater. C'est un lieu de rassemblement prisé des Inuits et des membres des Premières Nations, plusieurs itinérants, d'autres pas.

Dans le cadre d'une discussion entourant la revitalisation du parc, il y a quelques années, un membre du SPVM aurait suggéré que les autochtones considérés comme des «réguliers» du square Cabot se voient chacun attribuer un numéro pour faciliter leur identification par les forces de l'ordre, a raconté sous serment Allison Reid, coordonnatrice du Réseau pour la stratégie urbaine de la communauté autochtone à Montréal. Elle était présente lors de cette rencontre et elle a entendu ces propos. «Il a dit que les noms, ce n'était pas important pour lui.»

Nakuset, directrice générale du Foyer pour femmes autochtones de Montréal, est revenue sur une intervention policière auprès d'une femme crie malade qui a mené à une plainte au commissaire à la déontologie policière.

La femme souffre de troubles mentaux et d'une maladie du système digestif. Elle porte un sac pour recueillir ses selles. Selon Nakuset, ce sac était bien visible lorsque les policiers l'auraient agrippé par le capuchon et l'auraient projetée au sol. La femme aurait alors tenu des propos suicidaires.

«Les policiers l'ont envoyé à l'hôpital... avec une contravention», a déploré Rachel Deutsch, coordonnatrice du projet «Cabot Square», elle aussi bien au fait de l'incident.

Mme Deutsch a fait état de l'attitude de certains patrouilleurs, qui «interviennent à quatre ou à six pour demander à un autochtone de vider sa bouteille de bière». Elle a lu un courriel qu'elle a envoyé au SPVM demandant que les agents ne soient pas plus de deux lors d'interventions mineures.

Les intervenantes ont aussi soulevé la question des contraventions. Les itinérants autochtones en reçoivent, prétendent-elles, beaucoup plus que les autres. La situation est telle que les gens dont elles s'occupent ont eu peur de se réfugier dans le métro lors des périodes de froids extrêmes en janvier.

Nakuset a indiqué être entrée en contact avec un responsable de la brigade urbaine du SPVM afin de savoir quoi faire pour éviter les contraventions dans le métro. «On m'a répondu qu'il ne faut pas que les gens s'assoient. Il faut qu'ils restent debout. C'est mieux s'ils ne sont pas en groupe de plus de trois.»

Formation abandonnée

Dans le cadre de leur témoignage, les quatre femmes sont aussi revenues sur les suites d'un accord signé en 2015 et annoncé en grande pompe entre l'ancien chef de police Marc Parent et le Réseau pour la stratégie urbaine de la communauté autochtone de Montréal. Un des éléments phares de cette entente était la mise sur pied d'une formation pour aider les agents à mieux intervenir auprès de cette clientèle.

Après des mois de rencontres et de discussions, deux formations tests, élaborées par une professeure de l'université Concordia et une formatrice aguerrie, Vicky Boldo, qui avait déjà donné plus d'une quarantaine d'exposés à des policiers, ont été offertes à de petits groupes. La formation comportait une partie historique via un exercice traditionnel avec des couvertures, exercice qui fait partie de la formation des futurs policiers de la GRC. Après les essais, le corps de police montréalais a organisé une première séance officielle avec 120 policiers. «Il y en a qui riaient. Il y en a qui parlaient, qui n'écoutaient pas. Personne ne les rappelait à l'ordre», se souvient Mme Boldo.

Deux semaines plus tard, le SPVM mettait fin à la formation et annulait les 11 séances déjà prévues.

«Ils nous ont dit que nos experts n'étaient pas assez professionnels. Il y avait beaucoup d'hostilité envers l'exercice des couvertures», raconte Alison Reid.

À la commission, les intervenantes ont aussi dénoncé le fait que le poste d'agent de liaison autochtone du SPVM, mis sur pied dans la foulée de l'entente, n'est pas occupé par un autochtone.