Des groupes en faveur de la transparence critiquent sévèrement la suggestion du nouveau commissaire à l'éthique d'empêcher les médias de rapporter la teneur de certaines de ses enquêtes.

Au cours de son témoignage devant un comité de la Chambre des communes cette semaine, Mario Dion a déclaré que pour plusieurs Canadiens une allégation contre un politicien est l'équivalent d'une condamnation.

M. Dion a lancé l'idée qu'il pourrait être investi de l'autorité nécessaire pour rendre certains dossiers confidentiels, ce qui empêcherait les parlementaires de discuter publiquement d'une plainte et ce qui court-circuiterait le travail des journalistes.

Le codirecteur des Journalistes canadiens pour la liberté d'expression, Dunkan Pike, a déclaré qu'il est illusoire de croire que les problèmes identifiés par Mario Dion seront résolus en maintenant les Canadiens dans le noir et en nuisant à la transparence gouvernementale.

Il estime que les Canadiens ont entièrement le droit de connaître ces informations et de se faire leur propre idée.

«La confiance du public dans les lois sur les conflits d'intérêts que le commissaire supervise ne sera certainement pas accrue par le manque de transparence et par le délai dans le dévoilement des informations», a-t-il fait valoir au cours d'une entrevue.

De nuire à la couverture médiatique des enquêtes portant sur l'éthique pourrait avoir comme effet collatéral de protéger le bureau du commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique contre le regard public, a ajouté M. Pike.

«Si des gestes sont faits pour lui conférer ce type de pouvoirs, nous nous opposerons très très fortement à cela.»

Interdit de publication: la Cour suprême se range du côté de la CBC

Le réseau anglais de Radio-Canada n'aurait pas dû se faire ordonner de retirer des articles dans ses archives qui identifiaient une jeune victime albertaine, a tranché la Cour suprême du Canada.

Le plus haut tribunal du pays, qui a rendu sa décision unanime vendredi, devait se prononcer sur un dossier qui porte sur les publications à l'ère numérique.

Au début du mois de mars 2016, la CBC avait publié deux articles dans lesquels on retrouvait le nom et la photo d'une jeune fille de 14 ans qui avait été retrouvée morte dans son appartement à Edson, en Alberta.

Lorsque l'accusé a comparu en cour dans les jours suivants, le juge avait imposé un interdit de publication sur toute information pouvant permettre d'identifier la victime.

Le diffuseur public avait toutefois refusé de retirer les articles partagés sur son site Internet avant l'interdit, après quoi la Couronne avait réclamé une assignation pour outrage criminel, ainsi qu'une injonction interlocutoire pour enlever le nom des articles.

Un juge avait rejeté la demande d'injonction, mais la Cour d'appel de la province avait infirmé cette décision, amenant la CBC à se rendre en Cour suprême.

Dans sa décision, la Cour suprême s'est dite en accord avec le premier juge qui s'était penché sur l'injonction interlocutoire.

«À mon avis, le juge en cabinet a appliqué le bon test juridique lorsqu'il s'est prononcé sur la demande du ministère public, et sa décision selon laquelle la preuve présentée par ce dernier ne satisfaisait pas à ce test ne justifiait pas, dans les circonstances, une intervention en appel», a expliqué le juge Russell Brown.

Le juge avait cité trois raisons pour rejeter l'injonction il y a deux ans.

Premièrement, il avait statué que la Couronne n'était pas susceptible de prouver hors de tout doute raisonnable «que la SRC (CBC), en laissant sur son site web les renseignements identifiant la victime après la délivrance de l'interdiction de publication, était en »transgression patente et publique« de cette ordonnance.»

Deuxièmement, il a rejeté l'idée qu'en laissant les informations sur le site de la CBC, cela causerait un tort irréparable à l'administration de la justice en dissuadant les autres à demander de l'aide. Le juge souligne que «la protection de l'anonymat des victimes perd de son importance lorsque la victime est décédée».

Troisièmement, le juge a indiqué que tous les torts causés à l'administration de la justice étaient contrebalancés par la liberté d'expression de la CBC, ainsi que par l'intérêt public de cette liberté d'expression.

Dans des procédures distinctes, la CBC a été déclarée non coupable d'outrage criminel en mai 2017 pour avoir refusé de retirer les articles.

Le juge de la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta, Terry Clarkson, avait conclu que permettre l'accès aux articles ne correspondait pas à la publication, à la transmission ou à la diffusion d'informations.