Alors qu'il s'apprête à lancer un appel d'offres pour remplacer la flotte vieillissante des avions de chasse CF-18, le gouvernement Trudeau sert un avertissement sans équivoque aux sociétés étrangères telles que Boeing qui tentent de faire trébucher des entreprises canadiennes.

Dorénavant, le gouvernement canadien va tenir compte de l'impact que les sociétés étrangères ont sur l'économie du pays dans l'évaluation de leurs soumissions. Et si elles causent des torts, «elles se retrouveront dans une situation fort désavantageuse comparativement aux autres soumissionnaires», a affirmé mardi la ministre des Services publics et de l'Approvisionnement, Carla Qualtrough.

Cette mesure vise directement la société Boeing, qui a réussi à convaincre les autorités américaines d'imposer des droits compensateurs de près de 300% en tout sur la vente de 75 avions de la C Series de Bombardier à Delta. Boeing soutient depuis plusieurs mois que Bombardier a profité de subventions illégales du gouvernement du Québec et du gouvernement fédéral pour vendre des avions à un prix dérisoire sur le marché américain.

La ministre Qualtrough, qui était accompagnée du ministre de la Défense Harjit Sajjan, du ministre de l'Innovation, Navdeep Bains, du ministre des Transports Marc Garneau, et du chef d'état-major des Forces armées canadiennes, le général Jonathan Vance, a en outre confirmé que le Canada n'achètera pas 18 avions de chasse Super Hornet flambant neufs de Boeing, évalués à 6,4 milliards, afin de combler le déficit de capacité qui guetterait les Forces armées.

«Nous avons besoin de partenaires fiables», a lancé le ministre de la Défense Harjit Sajjan.

En lieu et place, le gouvernement Trudeau compte acheter 18 avions usagés Hornet de l'Australie ainsi que des pièces de rechange nécessaires pour prolonger leur durée de vie jusqu'en 2025, date à laquelle le Canada devrait commencer à prendre possession des nouveaux avions de chasse.

Ces avions de chasse de l'Australie ont été fabriqués durant la même période que les CF-18 des Forces armées canadiennes et sont essentiellement les mêmes appareils. Selon des hauts fonctionnaires, les avions de chasse usagés devraient coûter 500 millions de dollars.

Le gouvernement Trudeau entend lancer officiellement l'appel d'offres pour acquérir 88 nouveaux avions de chasse en 2019. Le contrat devrait être octroyé en 2022 et la livraison des premiers aéronefs est prévue en 2025.

«Je tiens à ce que les choses soient claires: il s'agit d'un processus ouvert et transparent et aucune entreprise n'est exclue», a déclaré la ministre Qualtrough.

Cela veut dire que le gouvernement Trudeau n'écarte plus l'option d'acheter des F-35 de la société américaine Lockheed Martin, contrairement à ce que les libéraux avaient promis durant la dernière campagne électorale.

Cela veut aussi dire que Boeing, qui aurait pu avoir une longueur d'avance sur ce contrat évalué à 19 milliards de dollars si le gouvernement Trudeau n'avait pas écarté l'achat de 18 avions Super Hornet pour combler le déficit de capacité, pourra aussi être sur les rangs. Mais si le différend commercial entre la puissante multinationale américaine et le gouvernement canadien concernant la vente d'avions de Bombardier sur le marché américain, Boeing pourrait perdre des points dans l'évaluation de sa soumission.

Par voie de communiqué, le Syndicat des Machinistes s'est dit satisfait de la décision d'Ottawa d'acheter 18 avions de chasse usagés de l'Australie d'autant plus que l'entretien de ces appareils se fait chez L-3 Communication à Mirabel.

«Nos membres chez L-3 Comm détiennent l'expertise nécessaire pour s'occuper de l'entretien, de la réparation et des modifications des CF-18 que le gouvernement canadien vient d'acquérir», a affirmé le représentant du Syndicat des Machinistes, Stéphane Paré. «L'expertise, la rigueur et le professionnalisme de ces travailleurs et travailleuses de l'aérospatiale ont déjà permis au Canada d'allonger la vie utile de ses CF-18 de 2003 à 2025. C'est donc logique que l'entretien de ces appareils nous revienne et c'est une bonne nouvelle pour nous.»