Les municipalités réclament à leur tour leur juste part des revenus provenant des taxes qui seront imposées à la vente du cannabis afin les aider à financer les coûts liés à la sécurité, lesquels bondiront inévitablement à la suite de la légalisation de cette drogue à partir du 1er juillet 2018.

Dans une lettre de trois pages qu'elle a fait parvenir au ministre des Finances Bill Morneau, le 2 novembre, la Fédération canadienne des municipalités (FCM) soutient aussi qu'Ottawa et les provinces auraient intérêt à consulter davantage le monde municipal sur cette épineuse question, si les autorités canadiennes souhaitent que la légalisation se fasse de manière ordonnée.

Jusqu'ici, les municipalités ont été plutôt tenues à l'écart des discussions entre Ottawa et les provinces, alors qu'elles auront un rôle crucial à jouer dans la gestion de tous les jours de ce nouveau régime touchant le cannabis à compter de juillet prochain.

« La légalisation n'est pas un projet ponctuel. Les Canadiens ont besoin de savoir que les structures d'administration et d'application de la loi qui seront mises sur pied l'an prochain par leurs gouvernements continueront à les protéger dans l'avenir », affirme la présidente de la FCM, Jenny Gerbasi, qui est mairesse suppléante de la ville de Winnipeg, dans la lettre au ministre Morneau.

« Pour remédier à ce défi, votre gouvernement a proposé une formule de partage des revenus provenant de la vente du cannabis avec les provinces pour soutenir ces coûts continus. Compte tenu du rôle central des municipalités dans les aspects fondamentaux de l'administration et de l'application de la loi, elles devraient pouvoir participer pleinement aux conversations sur le partage des revenus », ajoute Mme Gerbasi dans la missive.

La Presse a obtenu hier cette lettre qui a aussi été envoyée au ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, à la ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, et à la ministre de la Santé, Ginette Petitpas Taylor.

LES REVENDICATIONS DES PROVINCES

À la récente conférence des premiers ministres à Ottawa, début octobre, le gouvernement Trudeau a indiqué qu'il souhaite imposer une taxe d'accise de 1 $ si le prix pour un gramme de marijuana est de 10 $ ou moins et une taxe de 10 % si le prix pour un gramme est supérieur à 10 $. Ottawa a aussi proposé de remettre la moitié des revenus que cette taxe va générer aux provinces. Mais cette proposition a vite été rejetée par les provinces, qui exigent une plus grande proportion des revenus, étant donné que ce sont elles qui devront absorber une partie importante des coûts liés à la légalisation de cette drogue.

Le premier ministre Justin Trudeau s'est ensuite dit prêt à revoir la formule de partage des revenus. Les ministres des Finances du pays doivent se pencher sur cette question durant leur prochaine rencontre, prévue du 9 au 11 décembre.

Mais ni Ottawa ni les provinces n'ont évoqué un quelconque partage de ces revenus avec les municipalités jusqu'ici, au grand dam des élus municipaux.

« Comme vous le savez, les municipalités paient presque 60 % des coûts des services de police au Canada, et les forces municipales doivent déjà gérer de nombreuses nouvelles responsabilités de plus en plus complexes, comme la cybercriminalité et la sécurité frontalière. »

Photo Andrew Vaughan, archives La Presse canadienne

Bill Morneau, ministre des Finances

Dans la lettre, la FCM croit d'ailleurs que le gouvernement Trudeau devrait affecter « immédiatement » des fonds pour soutenir les coûts de démarrage des municipalités afin de se préparer à la légalisation sécuritaire et efficace du cannabis.

Mme Gerbasi souligne que plusieurs municipalités ont engagé des dépenses afin de commencer à former les employés, notamment les membres des forces policières. La FCM a même remis à ses membres en août un document d'introduction pour aider les municipalités à s'organiser en prévision de la pleine mise en oeuvre de la légalisation du cannabis.

Dans sa missive, Mme Gerbasi fait d'ailleurs valoir que les gouvernements des huit États américains qui ont légalisé le cannabis à des fins récréatives ont versé des fonds prévisibles aux municipalités afin de les aider à absorber les coûts liés à ce nouveau régime.