Au moins une centaine de fonctionnaires fédéraux privés de leur salaire pendant des semaines à cause des problèmes liés au système de paye Phénix ont vécu des heures d'angoisse à un point tel qu'ils ont eu recours aux services d'un psychologue au cours des derniers mois.

Le ministère fédéral de la Santé a confirmé cette nouvelle dans une note d'information obtenue par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Même s'il n'existe pas de catégorie touchant les problèmes liés au système de paye Phénix dans la compilation des raisons qui mènent des employés du gouvernement fédéral à solliciter l'aide d'un psychologue dans le cadre du Programme d'aide aux employés (PAE), certains d'entre eux ont tenu à préciser que la cause de leur détresse était liée au fiasco du nouveau système de paye.

« Bien que la nature spécifique des problèmes liés au système de paye Phénix ne soit pas une catégorie en tant que telle pour nos statistiques, les Services d'aide aux employés peuvent confirmer qu'une centaine de clients ont identifié Phénix comme le facteur contribuant à leur décision de consulter leur programme d'aide, ceci depuis mars 2016 », indique-t-on dans un document du ministère de la Santé.

Le nombre de fonctionnaires fédéraux qui ont vécu des moments difficiles à cause des ratés de Phénix continue d'augmenter, certains médias ayant déjà fait état de cas d'employés qui ont dû contracter d'importantes dettes à cause de ce fiasco.

Encore hier, Radio-Canada a rapporté le cas d'une gestionnaire responsable du site de prévisions météo en ligne d'Environnement Canada, Barbara Delisle, qui n'a pas été payée depuis des semaines. Mme Delisle est une mère de famille monoparentale qui est revenue au travail au début du mois de septembre. Elle n'a reçu aucun chèque de paye depuis son retour au travail.

Environ 156 000 employés touchés

En tout, près de la moitié des effectifs de la fonction publique, soit environ 156 000 employés, ont été touchés d'une manière ou d'une autre par la débâcle de Phénix depuis mars 2016.

Mais pour la présidente nationale de l'Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC), Robyn Benson, les cas de fonctionnaires qui ont recours aux services de psychologues illustrent la gravité de la crise provoquée par les ratés de Phénix.

Pire encore, le gouvernement libéral de Justin Trudeau ne peut dire quand la situation sera totalement corrigée.

« Je ne suis pas surprise de voir un tel nombre d'employés qui ont recours au Programme d'aide aux employés. Il y a tellement de problèmes liés à Phénix et cela cause beaucoup de stress à nos membres. »

« Nous savions que ce nouveau système connaîtrait des ratés. Mais le gouvernement actuel a choisi d'ignorer nos avertissements », a indiqué Mme Benson dans une entrevue à La Presse.

« Nous comptons obtenir des compensations pour nos membres de la part du gouvernement. Nous n'avons pas encore établi le montant que nous allons demander. Pour l'instant, notre priorité absolue est de régler le plus vite possible le système de paye Phénix pour nos employés », a ajouté Mme Benson.

Le vérificateur général Michael Ferguson s'est penché sur la gestion du fiasco Phénix par le gouvernement libéral de Justin Trudeau. Il doit déposer son rapport au Parlement en novembre.

Le député néo-démocrate de Rosemont-La Petite-Patrie, Alexandre Boulerice, estime qu'il « est triste » de voir que des employés doivent consulter un psychologue parce que leur employeur ne les paie pas pour le travail qu'ils font. « C'est la preuve qu'il y a véritablement des drames humains qui sont derrière cette défaillance de gestion des libéraux. Mais cela n'est pas surprenant non plus étant donné l'ampleur du phénomène et le temps que ça prend pour régler cela. On a scrappé la vie de beaucoup de gens parce qu'on a voulu faire les choses trop vite. »

« Je commence à en avoir vraiment assez que les libéraux disent encore que c'est la faute des conservateurs. Oui, le système a été élaboré sous le règne des conservateurs. Mais ceux qui ont appuyé sur le bouton pour partir le système, ce sont les libéraux, et cela, malgré les avertissements des syndicats. Ce n'est pas un psychologue que Justin Trudeau devrait consulter, mais des gens qui lui diraient comment mieux gérer le gouvernement », a ajouté M. Boulerice.

- Avec William Leclerc, La Presse