Certains documents détaillant les violences subies par les élèves des pensionnats autochtones pourront être détruits d'ici deux ans en vertu d'un arrêt de la Cour suprême du Canada, rendu public vendredi.

La décision unanime du plus haut tribunal du pays clarifie cet enjeu qui opposait le droit à la vie privée des victimes à l'importance de documenter ce chapitre sombre des relations entre le Canada et les peuples autochtones.

Pendant plus d'un siècle, des dizaines de milliers d'enfants autochtones ont dû fréquenter des pensionnats financés par le gouvernement fédéral et principalement administrés par des institutions religieuses. Les élèves, coupés de leur culture, s'y faisaient interdire de parler leur langue.

Certains d'entre eux ont témoigné de violences physiques, sexuelles et psychologiques dans le cadre d'une évaluation indépendante visant à leur verser l'indemnisation prévue par un règlement à l'amiable intervenu en 2006.

Les documents en question portent sur plus de 37 000 demandes présentées dans le cadre de ce processus d'évaluation indépendant.

La Cour suprême a maintenu le jugement d'un tribunal inférieur selon lequel le matériel devait être détruit après 15 ans, à moins que les survivants ou présumés auteurs des violences acceptent que leur récit soit conservé au Centre national pour la vérité et réconciliation à Winnipeg.

Dans les motifs du jugement, la cour a souligné que les négociateurs du règlement voulaient que le processus soit confidentiel et privé - ce sur quoi comptaient les participants.

L'adjudicateur en chef, Dan Shapiro, s'est réjoui que les survivants soient maîtres de l'utilisation de leur histoire personnelle. Il souligne que plusieurs demandeurs lui ont confié qu'ils n'auraient pas raconté leur expérience sans la garantie que leurs proches n'en prendraient pas connaissance, pas même après leur mort.

Droit à la vie privée contre valeur historique

La Cour supérieure de l'Ontario devra maintenant approuver un programme destiné à informer tous les demandeurs de la possibilité d'archiver leurs documents.

L'Assemblée des Premières Nations avait averti la Cour suprême que casser la décision initiale constituerait un autre abus de la confiance des Autochtones maltraités dans leur enfance.

Puisque certains cas ont été résolus dès 2004, la destruction de documents pourra s'amorcer en 2019, a précisé M. Shapiro.

Le gouvernement fédéral faisait pour sa part valoir que les documents devaient être entièrement préservés afin de s'assurer que ce qui s'est produit dans les pensionnats autochtones ne soit jamais oublié.

Il affirmait que les lois fédérales gouvernant l'accès à l'information, le droit à la vie privée et les archives offraient l'équilibre nécessaire pour conserver les documents ayant une valeur historique tout en protégeant la vie privée et la confidentialité.

La ministre des Relations Couronne-Autochtones, Carolyn Bennett, s'est dite déçue parce que les documents auraient permis une analyse approfondie des problèmes systémiques liés aux pensionnats.

M. Shapiro a rappelé que les survivants des pensionnats ont déjà fait part de leurs expériences dans plus de 7000 déclarations auprès de la Commission de vérité et réconciliation.