Même si les médias n'en parlent que peu ces temps-ci, Raïf Badawi est toujours en prison et Amnistie internationale poursuit sa campagne activement pour libérer le blogueur saoudien dont la famille est réfugiée à Sherbrooke.

Si le sujet revient moins dans l'actualité, ce n'est pas nécessairement parce que les nouvelles sont plus positives, selon la directrice générale de la section francophone d'Amnistie internationale Canada Béatrice Vaugrante.

«Nous, notre campagne, elle continue, c'est juste que ces temps-ci, elle est moins amplifiée (...) Moi, j'en parle, mais ce n'est pas forcément repris», a constaté Mme Vaugrante en entrevue téléphonique avec La Presse Canadienne.

Elle a indiqué que, a priori, M. Badawi n'avait pas reçu de coups de fouets dernièrement, mais que son «statut était maintenu» - son organisation n'a pas pu confirmer l'information du secrétaire d'État suisse aux Affaires étrangères, Yves Rossier, qui avait dit au mois de novembre qu'une «procédure de grâce» avait été lancée concernant M. Badawi.

Raïf Badawi a été condamné à dix ans de prison et à 1000 coups de fouets pour avoir critiqué des dirigeants religieux saoudiens. Il avait reçu ses 50 premiers coups de fouets, mais les séances ont successivement été interrompues pour des raisons de santé. En juin prochain, il en sera à sa quatrième année derrière les barreaux.

Depuis l'élection du gouvernement libéral à Ottawa, Mme Vaugrante a pu rencontrer trois fois le ministre des Affaires étrangères, Stéphane Dion, et il a beaucoup été question du cas de M. Badawi.

«Quand on a rencontré M. Dion, on a évoqué son dossier, en demandant à ce que le Canada en fasse plus et surtout à ce que M. Trudeau en fasse plus de manière privée ou publique», a-t-elle relaté.

Le ministre aurait alors assuré qu'il «soulevait ce dossier à chaque occasion» auprès des autorités saoudiennes.

«Pour le moment, on aimerait que ce soit plus visible, certainement. On est toujours en communication avec le ministère pour essayer de faire valoir son dossier», a ajouté Mme Vaugrante.

En entrevue avec La Presse Canadienne au mois de décembre, M. Trudeau avait affirmé qu'il ne prévoyait pas «dans l'immédiat» prendre le dossier entre ses mains. Pourtant, le Parti libéral, lorsqu'il était dans l'opposition, avait vertement critiqué l'ancien premier ministre Stephen Harper pour ne pas avoir communiqué directement avec les autorités saoudiennes.

Mme Vaugrante reconnaît toutefois que les libéraux ont su «ouvrir les canaux de communication» avec son organisation, ce qui «manquait beaucoup» avec le gouvernement conservateur.

«Le ministre Dion suit de près le dossier de M. Badawi, exprime ses vives préoccupations sur sa situation régulièrement, autant publiquement que par les canaux diplomatiques, et va continuer de réclamer la clémence dans son cas», a indiqué par courriel l'attachée de presse du ministre, Chantal Gagnon.

Mme Gagnon a ajouté que le ministre avait soulevé cette question avec son homologue saoudien et qu'il continuait d'en discuter notamment avec l'ambassadeur de l'Arabie Saoudite.

«Nous souhaitons vivement la libération de M. Badawi», a conclu l'attachée de presse.

Amnistie internationale est moins satisfait de la position du gouvernement Trudeau sur ce fameux contrat de vente de véhicules blindés légers au royaume saoudien qui pourraient, «être utilisés dans des situations qui violeraient les droits humains», selon une lettre ouverte de l'organisme écrite notamment au ministre Dion.

«La parole d'engagement envers la protection des civils nous semble plus importante que la parole envers un contrat commercial», a précisé Mme Vaugrante dans un courriel.