Une coalition de peuples autochtones de la Colombie-Britannique promet d'employer tous les moyens nécessaires pour stopper le projet d'oléoduc Northern Gateway, allant même jusqu'à évoquer le spectre d'une nouvelle crise d'Oka.

La Cour d'appel fédérale a commencé hier matin à entendre les contestations constitutionnelles de huit nations autochtones dont les territoires sont touchés par le pipeline qu'espère construire la société Enbridge, qui a obtenu le feu vert d'Ottawa, il y a 15 mois.

En conférence de presse à Vancouver, les chefs de ces nations, dont le territoire occupe une bande de la Colombie-Britannique qui s'étend d'est en ouest jusqu'au Pacifique, ont dit avoir bon espoir de voir la Cour leur donner raison. Mais une défaite ne changerait rien à leur détermination à bloquer coûte que coûte le passage des conduites d'Enbridge.

« Nous avons une obligation sacrée de protéger la terre et les eaux de nos territoires, au profit des générations futures. Nous n'avons d'autre choix que de poursuivre cette bataille en cour, dans les rues, sur terre et sur l'eau. Et nous allons assurément le faire », a dit le grand chef Stewart Phillip, président de l'Union des chefs autochtones de la Colombie-Britannique (UBCIC), qui s'est dit prêt « à aller en prison », s'il le faut.

«Tout ce qu'il faudra»

Le chef Peter Lantin, de la nation haïda, qui occupe l'archipel de Haida Gwaii (autrefois dit de la Reine-Charlotte), a exprimé les craintes de son peuple à l'égard de la multiplication des passages de pétroliers au large des côtes de la Colombie-Britannique. Le pétrole lourd issu des sables bitumineux que transporterait le nouvel oléoduc serait entièrement voué à l'exportation.

« Vous vous demandez jusqu'où nous sommes prêts à aller ? Nous parlons d'activités sans précédent. La nation haïda envisage de se rendre sur les territoires où le pipeline serait construit pour se tenir debout aux côtés [des autres nations] et faire tout ce qu'il faudra pour stopper le projet. C'est ça, les extrêmes jusqu'où nous sommes prêts à aller. »

Sur l'heure du midi, plusieurs centaines de personnes, autochtones et non autochtones, ont manifesté bruyamment au centre-ville de Vancouver, scandant des slogans contre Enbridge et le premier ministre Stephen Harper et bloquant une intersection, près du palais de justice.

« Si le gouvernement Harper est réélu, je crois [...] que nous nous dirigeons vraiment rapidement vers un conflit du type Oka à travers ce pays », a dit le grand chef Phillip lors de la conférence de presse. « Je prie pour que nous élisions un gouvernement qui ait une meilleure vision pour ce pays et qui soit plus inclusif et respectueux de ce que les peuples autochtones essaient de dire au pays. »

Tant le Parti libéral que le Nouveau Parti démocratique ont indiqué qu'ils enterreraient le projet s'ils étaient portés au pouvoir le 19 octobre.

Sans précédent

L'audience en Cour d'appel fédérale est d'une ampleur sans précédent. Six jours d'audience sont prévus. Outre les autochtones, quatre ONG environnementales et un syndicat, Unifor, contestent l'approbation donnée par Ottawa en juin 2014 après un rapport favorable de la commission conjointe d'examen, un organisme indépendant mandaté par l'Office national de l'énergie et le ministère fédéral de l'Environnement.

La commission a formulé 209 conditions à la concrétisation du projet, mais les plaignants soutiennent notamment que les conséquences sur la faune ont été mal évaluées et que le processus de consultation des Premières Nations était insuffisant.

La contestation judiciaire a commencé au lendemain de l'adoption par l'UBCIC d'une résolution d'appui aux communautés autochtones de l'est du pays, dont celle de Kanesatake, qui luttent contre le projet d'oléoduc d'Énergie Est. La résolution appuie aussi le développement de stratégies concertées pour s'attaquer aux changements climatiques et aux autres conséquences de l'exploitation des sables bitumineux.

Présent à Vancouver, le grand chef de Kanesatake, Serge Simon, y voit l'émergence d'une alliance sans précédent entre les communautés autochtones des deux extrémités du pays. « Si les gouvernements essaient de forcer ou d'intimider les Premières Nations de l'Ouest, nous, dans l'Est, on aura quelque chose à dire. On va faire les actions nécessaires, dictées par l'industrie et le gouvernement. S'ils veulent nous parler avec respect et égalité, il n'y aura pas de problème. Mais s'ils essaient de rentrer de force, on ne se gênera pas. »