La GRC a caché et détruit des renseignements relatifs au registre des armes d'épaule qui étaient réclamés en vertu de la Loi sur l'accès à l'information et un recours judiciaire pourrait être intenté contre le corps policier, conclut la commissaire à l'information du Canada, Suzanne Legault, dans un rapport d'enquête obtenu par La Presse.

Ces conclusions pourraient d'ailleurs expliquer des amendements législatifs surprenants inclus dans le projet de loi omnibus de mise en oeuvre du budget, C-59, déposé au Parlement la semaine dernière. Ces amendements prévoient que le registre des armes d'épaule et tout fichier affilié ne seront plus accessibles par l'entremise d'une demande d'accès à l'information, et ce, de manière rétroactive au 25 octobre 2011.

Le projet de loi C-59 prévoit également une immunité pour des agents de l'État pour tout acte posé durant cette période relativement à des demandes d'accès à l'information concernant le registre.

Au cours des derniers jours, plusieurs personnes se sont questionnées ouvertement sur la raison de ces changements, que certains ont décrits comme une tentative du gouvernement Harper de réécrire l'histoire.

Or une enquête menée par la commissaire à l'information, sur laquelle elle prévoit faire rapport au Parlement ce matin, pourrait répondre à ces questions. Cette enquête donnait suite à une plainte de Bill Clennett, un militant de Gatineau, qui a demandé en mars 2012 en vertu de la Loi sur l'accès à l'information une copie de « tous les registres et fichiers relatifs à l'enregistrement » des armes d'épaule.

Réponse incomplète

Insatisfait des documents reçus, M. Clennett a porté plainte au Commissariat à l'information au motif que la réponse était incomplète, que le refus n'était pas justifié par les exceptions permises par la loi et que la GRC a entravé son droit d'accès à l'information. Ce droit garanti par l'article 67.1 prévoit même des poursuites criminelles et des peines de prison.

Dans un rapport daté de mardi, la commissaire Legault lui a donné raison et a conclu que non seulement les informations communiquées étaient incomplètes, mais que des renseignements pertinents ont été détruits par le corps policier, et ce, malgré le fait qu'on lui avait garanti le contraire.

« La GRC a détruit ces documents même si elle savait qu'ils étaient visés par votre demande d'accès en cours et par une enquête en cours », a-t-elle écrit.

Ces renseignements ont été détruits en même temps que les données du registre, donc à la suite de l'adoption du projet de loi C-19 en avril 2012. Celles touchant le Canada l'ont été entre le 25 et le 29 octobre 2012 et celles touchant le Québec, après la décision de la Cour suprême qui a autorisé cette destruction, « dans la semaine du 10 au 13 avril », selon Mme Legault.

En mars, la commissaire a adressé le dossier au ministre de la Justice et procureur général du Canada, Peter MacKay, lui disant qu'une possible infraction avait été commise en vertu de l'article 67.1 de la loi.

Elle a aussi offert au plaignant de l'épauler s'il décidait de porter l'affaire en Cour fédérale. Selon nos sources, ce dernier a accepté.

Il a été impossible de joindre Bill Clennett, le Commissariat à l'information ou la GRC hier soir.

- Avec William Leclerc

L'article 67.1 de la Loi sur l'accès à l'information

67.1 (1) Nul ne peut, dans l'intention d'entraver le droit d'accès prévu par la présente loi : 

a) détruire, tronquer ou modifier un document ;

b) falsifier un document ou faire un faux document ;

c) cacher un document ;

d) ordonner, proposer, conseiller ou amener de n'importe quelle façon une autre personne à commettre un acte visé à l'un des alinéas a) à c).

(2) Quiconque contrevient au paragraphe (1) est coupable : 

a) soit d'un acte criminel passible d'un emprisonnement maximal de deux ans et d'une amende maximale de dix mille dollars, ou de l'une de ces peines ;

b) soit d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et passible d'un emprisonnement maximal de six mois et d'une amende maximale de cinq mille dollars, ou de l'une de ces peines.

L' ACCÈS À L'INFORMATION

Le système d'accès à l'information permet au public de réclamer la divulgation de documents en possession du gouvernement fédéral. En principe, le gouvernement est tenu de divulguer ces documents dans un délai de 30 jours. Il peut invoquer certaines exceptions pour les retenir en entier ou en partie, par exemple pour des raisons de sécurité nationale. Il peut aussi demander des prolongations de délai à certaines conditions.