Le ministre de la Défense et du Multiculturalisme, Jason Kenney, a déclaré à une foule de Canadiens d'origine arménienne réunis sur la colline du Parlement, vendredi, que le Canada n'oublierait jamais le «génocide» des Arméniens perpétré par l'Empire ottoman.

Des centaines d'Arméniens s'étaient rassemblés à Ottawa pour le 100e anniversaire du massacre des Arméniens lors de la Première Guerre mondiale. Ils étaient séparés par des barricades d'un groupe de manifestants turcs massés à l'ouest du parlement.

La déclaration du ministre canadien pourrait susciter la colère d'un de ses alliés de l'OTAN, la Turquie, qui refuse de reconnaître que ses ancêtres ottomans pourraient avoir commis un génocide. Le massacre des Arméniens aurait causé la mort de 1,5 million d'entre eux.

M. Kenney a indiqué qu'il était important de se réunir pour se souvenir du «premier génocide du 20e siècle», reprenant les paroles prononcées par le pape François il y a quelques jours.

Le ministre Kenney n'a pas une seule fois mentionné la Turquie dans son discours et il n'est pas allé saluer le groupe de Canadiens d'origine turque, qui brandissaient des pancartes dénonçant l'utilisation du terme «génocide».

Le ministre canadien de l'Immigration, Chris Alexander, était en Arménie, vendredi, pour prendre part aux cérémonies auxquelles ont d'ailleurs participé les présidents de la France et de la Russie. Au même moment, la ministre d'État aux Affaires étrangères, Lynne Yelich, représentait le Canada en Turquie pour la commémoration du centenaire de la bataille de Gallipoli, qui opposait l'Empire ottoman aux Britanniques et aux Français, notamment.

Le gouverneur David Johnston, qui a été invité par l'Arménie et la Turquie, a indiqué qu'il irait plutôt à une cérémonie pour commémorer les 100 ans de la bataille de Gallipoli au Musée canadien de la guerre à Ottawa, samedi.

Le Parlement canadien a par ailleurs adopté à l'unanimité, vendredi, une motion reconnaissant le mois d'avril comme le Mois de la commémoration, de la condamnation et de la prévention du génocide.

L'ambassadeur de l'Arménie au Canada, Armen Yeganian, s'est réjoui qu'un «ministre important» du gouvernement Harper se rende dans son pays d'origine.

Le représentant de la Turquie à Ottawa n'a voulu commenter la décision du Canada d'envoyer une ministre adjointe aux commémorations turques. Or, il a noté que, contrairement à l'Arménie, la Turquie fait partie de la coalition internationale visant à combattre le groupe armé État islamique (ÉI).

«Nous croyons qu'en tant qu'allié de l'OTAN, en tant que joueur important dans notre région qui participe à la même coalition contre le (groupe ÉI), les choses auraient dû se dérouler différemment», a regretté Selcuk Unal.

M. Yeganian accuse d'ailleurs les Turcs d'avoir organisé les événements de la bataille de Gallipoli pour détourner l'attention des cérémonies commémoratives du massacre arménien, ce qu'a rejeté l'ambassadeur turc.

«Ce sont les Arméniens et la diaspora qui font ce lien, comme si nous tentions de porter ombrage à leur deuil. À Gallipoli, un demi-million de personnes sont mortes, dont des Canadiens», a plaidé M. Unal.

Les conservateurs ont pris plusieurs décisions diplomatiques pour courtiser l'électorat des différentes communautés ethniques, dont les Ukrainiens - le Canada s'est fermement opposé à l'intervention présumée de la Russie en sol ukrainien.

M. Yeganian note cependant que le vote de la diaspora arménienne - dont la majorité des 100 000 représentants canadiens sont établis à Montréal et Toronto - n'est pas assuré pour autant aux conservateurs. Selon lui, les Arméniens sont divisés entre le Parti conservateur et le Parti libéral.