L'opposition remet en question le mode de sélection des réfugiés syriens préconisé par le gouvernement fédéral, qui a choisi de donner la priorité aux minorités ethniques et religieuses.

Selon Costas Menegakis, le secrétaire parlementaire du ministre de l'Immigration Chris Alexander, Ottawa ne «s'excusera pas» de procéder ainsi.

«Nous donnons la priorité aux minorités ethniques et religieuses, celles dont il a été fait la démonstration qu'elles étaient à risque», a-t-il déclaré vendredi à la Chambre des communes.

Le Nouveau Parti démocratique (NPD) et le Parti libéral estiment que les réfugiés ne devraient pas être discriminés en fonction de leur religion.

«C'est inadmissible et impensable», a déploré en point de presse la députée néo-démocrate Sadia Groguhé.

«Lorsque les bombes tombent, elles ne discriminent personne. Elles tombent sur la tête de tout le monde», a-t-elle illustré.

En vertu de cette orientation gouvernementale, les grands laissés-pour-compte seraient vraisemblablement les musulmans sunnites de la Syrie.

La population syrienne est à 87% musulmane (dont 74% de sunnites), 10% chrétienne et 3% druze, selon le World Factbook de la CIA.

La semaine dernière, Amnistie internationale a suggéré que la timidité du Canada à ouvrir ses portes à un plus grand nombre de réfugiés syriens pourrait être due au fait que la majorité des citoyens syriens sont de confession musulmane.

«L'hypothèse que l'on met sur la table, c'est dire: «Est-ce que c'est parce que ces groupes de réfugiés surtout très vulnérables sont de confession musulmane, serait-ce la raison pour laquelle le Canada hésite à les accueillir?», avait lâché Béatrice Vaugrante, directrice générale de la section d'Amnistie internationale au Canada francophone.

Le ministère de l'Immigration avait réfuté ces allégations, les qualifiant de «non fondées».

Les porte-parole néo-démocrate et libéral en matière d'affaires étrangères - Paul Dewar et Marc Garneau - ne les ont pas reprises explicitement, vendredi.

«La base sur laquelle on décide si un réfugié est admissible ne devrait pas être la religion», a tranché M. Garneau, refusant d'aller jusqu'à dire s'il soupçonnait le gouvernement d'islamophobie.

«Ça, je ne peux pas vous dire; posez la question» au gouvernement, a-t-il offert.

Le ministre des Affaires étrangères, John Baird, a refusé de répondre aux questions des journalistes à sa sortie de la Chambre des communes.

Il faudra bien que le Canada s'explique un jour, a insisté M. Dewar, l'un de ceux qui talonnent le gouvernement depuis des mois dans ce dossier.

«Il n'y a pas de précédent dans l'histoire canadienne, il n'y a pas de précédent chez nos alliés. (...) Nous devrions accepter les réfugiés en fonction des critères des Nations unies au lieu de tenter de les sélectionner de façon aléatoire», a-t-il affirmé en point de presse dans le foyer des Communes.

Et si les conservateurs ne changent pas de cap, non seulement «beaucoup de Canadiens seront préoccupés», mais «nos alliés aussi», a prédit l'élu du NPD.

Le Canada loupe sa cible

Les deux principaux partis d'opposition aux Communes ont de nouveau dénoncé à l'unisson, vendredi, le fait que le Canada a accueilli moins de 500 réfugiés syriens en 2014, ratant du coup sa cible, qui était de 1300.

Néo-démocrates et libéraux estiment qu'Ottawa devrait se fixer comme objectif d'accueillir 10 000 réfugiés syriens afin de contribuer à l'effort de la communauté internationale.

Celle-ci est sollicitée par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), qui prévient que la capacité d'accueil des pays frontaliers de la Syrie - le Liban, la Turquie, la Jordanie, l'Égypte et l'Irak - est dépassée.

La Turquie, par exemple, a accueilli 1,6 million de réfugiés syriens et a dépensé 4,5 milliards de dollars pour eux, tandis qu'au Liban, près d'un quart de la population est maintenant syrienne, selon les données mises de l'avant vendredi dernier par Amnistie internationale.

La guerre civile qui fait rage en Syrie depuis 2011, attisée par le groupe armé État islamique (ÉI), a fait plus de 3,5 millions de réfugiés.

Le HCR a annoncé mardi, à l'issue d'une rencontre à Genève, en Suisse, que les gouvernements de pays occidentaux s'étaient engagés à accueillir environ 100 000 d'entre eux.

«La Syrie est devenue le plus grand défi humanitaire de notre époque, et il est important que des engagements comme ceux que nous avons vus aujourd'hui (mardi) continuent à arriver», a déclaré par voie de communiqué le Haut Commissaire des Nations unies pour les réfugiés, Antonio Guterres.