Le maire Rob Ford s'en est pris physiquement à son ancien chauffeur Sandro Lisi, le soir où il aurait récemment fumé du crack chez sa soeur et tenu des propos racistes à plusieurs reprises, selon un jeune trafiquant qui a filmé trois vidéos durant la soirée.

Le Toronto Star a rencontré le jeune homme de 20 ans et l'un de ses partenaires à Kingston, en Ontario, hier. Il a montré au Star les trois vidéos qu'il a filmées entre 0h30 et 1h30 dans la nuit de samedi dernier et a relaté les événements.

M. Ford aurait ainsi traité le jeune trafiquant de drogue de «nègre» à plusieurs reprises, de même qu'Eugene Jones, le dirigeant de la Toronto Community Housing Corporation, récemment congédié. «Aucun nègre ne se fait congédier dans ma ville. Quand je serai réélu, le nègre sera de nouveau en poste», a lancé le maire, selon la version des faits du témoin.

L'avocat de Rob Ford n'a pas été en mesure de nier ou de confirmer ces informations. Mais ce ne serait pas la première fois que le recours à un vocabulaire raciste par le maire Ford sème la controverse.

Le jeune trafiquant, qui s'est décrit comme un ami de la soeur de M. Ford, a aussi affirmé que ce dernier s'était lancé à plusieurs reprises sur Sandro Lisi pour le rouer de coups. Chaque fois, Kathy Ford serait intervenue pour implorer son frère d'arrêter. «Lâche-le, Robbie!», lui aurait-elle dit.

«Le pauvre Sandro pleurait comme un bébé», a-t-il relaté, décrivant M. Lisi qui tentait tant bien que mal de se protéger le visage contre la ruée de coups assénés par son ancien patron.

Sandro Lisi a été accusé d'extorsion pour avoir tenté de récupérer une autre vidéo montrant Rob Ford en train de fumer ce qui semblait aussi être du crack, il y a un an.

Les trois récentes vidéos visionnées par le Star montrent Rob Ford inhalant profondément la fumée se dégageant d'une pipe maison que lui passe sa soeur. Cette dernière a déjà admis avoir eu des problèmes de consommation de stupéfiants.

En cure de désintoxication

Tout de noir vêtu, le maire Rob Ford a quitté son domicile tôt hier matin pour se rendre dans un centre de traitements pour soigner sa dépendance à l'alcool.

Des médias ont rapporté qu'il s'était envolé à bord d'un avion privé à l'aéroport de Buttonville, au nord de Toronto, en direction de Chicago. Sa destination n'a pas été confirmée.

M. Ford n'a pas adressé la parole aux journalistes. Il a laissé la brève déclaration diffusée mercredi soir parler pour lui: «J'ai un problème avec l'alcool et les choix que j'ai faits alors que j'étais sous influence. Je me bats contre cela depuis un certain temps.»

À l'hôtel de ville, le maire adjoint Norm Kelley a confirmé quelques heures plus tard qu'il avait hérité des dernières fonctions qu'exerçait encore le célèbre maire (essentiellement protocolaires), et que ce dernier ne conserverait plus que son titre jusqu'à son retour.

Un tel retour et, surtout, sa réélection sont-ils encore possibles? C'est la question que tous se posaient hier.

Le maire Ford a été entraîné par un véritable tsunami, mercredi, lorsque l'existence de deux nouveaux enregistrements a été rendue publique dans les médias.

Le premier, une série de vidéos visionnée par le Toronto Star, le montre en train de fumer ce qui semble être du crack.

Dans le deuxième enregistrement, purement audio, datant de lundi, on peut entendre le maire qui semble en état d'ébriété dans un bar de son quartier. Il tient des propos injurieux et déplacés à l'égard de politiciens, dont son adversaire dans la course à la mairie Karen Stintz. «J'aimerais la baiser», dit-il.

Il affirme aussi que le chef conservateur ontarien Tim Hudak a perdu son vote lorsqu'il a voté pour faire hisser le drapeau de la fierté gaie devant l'hôtel de ville.

M. Ford a annoncé qu'il prenait une pause pour se reprendre en main dans les heures qui ont suivi les premières questions des journalistes au sujet de ces deux enregistrements.

Mme Stintz a expliqué hier qu'elle avait dû expliquer à ses enfants en les reconduisant à l'école que le maire avait dit de «gros mots» à son propos. Mais elle s'est gardée de réclamer sa démission. «Les seules personnes qui peuvent démettre Rob Ford de ses fonctions sont les gens de Toronto», a-t-elle tranché.

Tim Hudak a refusé de condamner les propos tenus à son égard, malgré de nombreuses tentatives des journalistes, en marge de la présentation du budget provincial.

À l'hôtel de ville de Toronto, plusieurs conseillers ont réclamé son départ, mais leurs pouvoirs sont limités.

«C'est au maire de décider s'il va mettre de côté son désir égoïste de s'accrocher au pouvoir et de tenir la ville en otage», a lancé la conseillère Janet Davis.

Plusieurs ont loué le courage de Rob Ford et lui ont souhaité un prompt rétablissement.

Mais seules quelques personnes l'ont réellement défendu et dit souhaiter le voir revenir en poste au deuxième étage de l'édifice la rue Queen.

Son frère Doug est du nombre. La voix étranglée par l'émotion, il a loué le courage de son frère et réitéré l'amour qu'il lui porte. «C'est l'une des journées les plus difficiles de ma vie. J'ai aussi un sentiment de soulagement. Comme grand frère, je suis soulagé que Rob ait fait face à ses problèmes et décidé d'obtenir de l'aide professionnelle», a-t-il dit lors d'un bref point de presse.

- Avec le Toronto Star