Des renseignements extrêmement confidentiels sur des dizaines de victimes des pensionnats indiens ont été volés, à la mi-novembre, dans la voiture d'un avocat lié à Affaires autochtones Canada, a appris La Presse.

Le vol est survenu au centre-ville de Montréal. Quarante-trois personnes seraient touchées.

Selon nos informations, les documents électroniques emportés par les malfaiteurs n'étaient pas protégés conformément aux règles élémentaires du gouvernement fédéral, ce qui les rendait facilement accessibles. Et ce n'est pas la première fois que ce ministère égare des données personnelles concernant des citoyens.

L'identité de l'avocat impliqué dans l'incident le plus récent demeure inconnue. Il s'agit d'un juriste embauché pour agir comme «adjudicateur» par le Secrétariat d'adjudication des pensionnats indiens (SAPI): son rôle est d'évaluer la somme d'argent à verser à chaque ancien élève ayant subi des sévices dans ces établissements.

Pour ce faire, il doit recueillir et analyser des données très personnelles sur ces personnes, dont les dossiers médicaux, ainsi qu'un historique des agressions sexuelles ou physiques subies. Sur son site internet, le SAPI assure aux victimes que ces renseignements seront traités confidentiellement.

Parmi le butin des voleurs, on trouverait des enregistrements audio de témoignages livrés par des victimes d'agressions sexuelles.

Le ministre évoque un congédiement

Dans un courriel, le Secrétariat a reconnu que le vol avait eu lieu.

«Cet incident est très regrettable, a écrit le porte-parole Michael Tansey. Assurer que les données personnelles des demandeurs dans le Processus d'évaluation indépendant sont protégées est l'une de nos plus tâches les plus importantes au Secrétariat.»

De son côté, le ministre des Affaires autochtones a évoqué le congédiement de l'adjudicateur fautif. Il s'est dit «très contrarié» par cet événement.

Le bureau de la commissaire à la vie privée a aussi été informé de la situation et effectue actuellement «des vérifications» dans ce dossier.

Le ministère des Affaires autochtones n'en est pas à ses premiers déboires en matière de protection de renseignements personnels.

En février, un document concernant les ressources humaines du ministère a été égaré. L'année précédente, en 2012, trois clés USB ont été perdues par le ministère, dont une n'a jamais été retrouvée.

Les fonctionnaires avaient ensuite promis de «revoir ses politiques pour éviter de perdre des documents à nouveau».

«C'est très difficile»

La représentante du Québec au Comité des survivants des pensionnats indiens, Madeleine Basile, n'avait pas été informée du vol des documents.

«Ça me touche beaucoup, a-t-elle dit lors d'une entrevue téléphonique avec La Presse. Je ne comprends pas qu'ils n'aient pas pris de mesures [pour mieux protéger les données], les adjudicateurs et le Secrétariat.»

Mme Basile a souligné que les audiences devant les adjudicateurs étaient souvent des moments extrêmement éprouvants pour les victimes des pensionnats indiens. Ils doivent raconter les agressions dont ils ont été victimes et font confiance au système pour que leur histoire ne soit pas diffusée à tout vent.

«Il y a beaucoup de douleur, il y a beaucoup de souffrance. Ce n'est pas drôle», a confié Mme Basile.

75 000 $ de clés USB cryptées

La Presse a appris que le ministère des Affaires autochtones a acheté pour 75 000$ de clés USB cryptées dans les mois précédant l'important vol de documents survenu à la mi-novembre.

Ces clés n'ont clairement pas été utilisées par l'avocat victime d'un vol dans sa voiture, au centre-ville de Montréal. Selon le ministre des Affaires autochtones, Bernard Valcourt, celui-ci pas respecté les «règles élémentaires» de protection des renseignements personnels.

En effet, «75 000$ ont été dépensés pour l'achat de 700 clés USB cryptées. Dans le cadre de la Semaine de prévention en matière de sécurité, tenue en mars, 100 de ces clés USB ont été distribuées. Les autres le seront» également, a écrit une porte-parole ministérielle en réponse à une question de La Presse.

Trois clés USB avaient été égarées par le ministère des Affaires autochtones en 2012.

Formations

En plus d'acheter des centaines de clés USB cryptées, Affaires autochtones Canada a organisé des formations concernant la protection des renseignements personnels, destinées à tous ses employés.

Il a aussi établi une nouvelle politique en matière de transport de supports électroniques portatifs à l'extérieur des bureaux du Ministère.