Ces jours-ci, il ne s'agit que d'un développement résidentiel tranquille et enneigé de cette banlieue du nord de Montréal.

Il y a 50 ans, toutefois, longtemps avant que ne soit bâti le secteur domiciliaire près de Sainte-Thérèse, y survenait l'une des pires catastrophes aériennes de l'histoire du Canada.

Les 118 personnes se trouvant à bord d'un vol de la compagnie Lignes aériennes Trans-Canada - 111 passagers et sept membres d'équipage - ont trouvé la mort lorsque l'appareil s'est écrasé dans un champ boueux.

Des témoins se rappellent avoir vu l'avion, qui se dirigeait vers Toronto, prendre feu et exploser peu de temps après avoir décollé de ce qui était autrefois l'aéroport de Dorval. La plupart des victimes étaient originaires de l'Ontario et de l'Ouest canadien.

Samedi, des dizaines de familles ayant perdu des proches ont visité le lieu de la tragédie pour en marquer le 50e anniversaire, avant de visiter un musée local présentant une exposition sur l'écrasement.

La veille, les familles avaient organisé une cérémonie privée en mémoire des disparus.

«Cela fait tellement de bien d'être réunis ensemble, et de passer à travers cela pour obtenir un peu de réconfort», a déclaré Sue Daudelin, qui a fait le voyage depuis Toronto en compagnie de ses frère et soeur Bob et Dianne, et de leurs propres enfants.

Les trois étaient âgés de moins de 10 ans lorsque leur père, un vendeur torontois de 37 ans, a trouvé la mort dans l'écrasement.

Il s'agissait d'une autre génération, dit-elle, et parler de la tragédie n'était pas toujours facile en grandissant.

«À l'époque, tout était dissimulé sous le tapis et ne faisait pas l'objet de discussions», note Mme Daudelin.

Un témoin présent sur les lieux de la catastrophe à l'époque, Normand Charbonneau, se souvient par ailleurs très bien de la scène de l'écrasement, quelques minutes après la tragédie.

«Je suis arrivé ici avec mon beau-frère... nous avons vu la queue de l'avion en feu. Ça sentait le kérosène à plein nez. Nous nous sommes avancés et nous avons aperçu des bras, des jambes. J'avais les pieds sur un torse humain», a-t-il confié à La Presse Canadienne.

«Cette semaine, étant donné que c'était le 50e anniversaire, j'y repense, et cela m'affecte», poursuit M. Charbonneau, qui n'était âgé que de 14 ans à l'époque.

«Je ne souhaite pas à personne de vivre une telle tragédie et de ne pas en parler. À l'époque, il n'y avait pas de psychologue, il n'y avait rien.»

«Tu vois cela autour de toi, mais tu ne réalises pas l'impact. Il y a beaucoup de gens vivant ici sur le site de l'écrasement qui ne savaient même pas qu'il y avait eu un accident.»

Seulement deux autres catastrophes aériennes ont entraîné un plus grand nombre de décès au pays; l'écrasement, en 1985, d'un vol d'Arrow Air à Gander, à Terre-Neuve; et un vol de Swissair, en 1998, qui s'est écrasé au large de la côte de la Nouvelle-Écosse. Mais la catastrophe des Lignes aériennes Trans-Canada a parfois semblé vouloir disparaître des livres d'histoire.

Aux dires d'un historien de l'endroit, Martin Rodgers, l'accident a été largement oublié par les résidants dans les décennies suivantes, alors que Sainte-Thérèse continuait de se développer.

Pendant des années, aucune plaque officielle n'a marqué le lieu de l'événement, poursuit-il, tandis que le site lui-même n'est toujours pas identifié. Aujourd'hui, il s'agit simplement de maisons en rangée.

Si la cause de l'accident n'a jamais été déterminée, plusieurs personnes tirent satisfaction du fait que la catastrophe a entraîné une refonte majeure des normes de sécurité en matière de transport aérien.

Peu après l'accident, en effet, la première boîte noire fut installée à bord d'un avion.