Des personnalités et groupes de tous horizons ont formé le Rassemblement pour la laïcité, qui appuie la charte des valeurs québécoises telle que présentée. Il veut cependant remplacer le droit de retrait par une période de transition.

Le projet de laïcité est défendu par une quinzaine d'organismes et une soixantaine de personnalités connues, dont certains ont rencontré la presse, mardi à Montréal. L'ex-juge de la Cour suprême Claire L'Heureux-Dubé est citée parmi ces personnalités qui appellent à appuyer le projet de laïcité, de même que Gyslaine Desrosiers, ancienne présidente de l'Ordre des infirmières du Québec, Lorraine Pagé et Réjean Parent, deux anciens présidents de la Centrale des syndicats du Québec, qui représente les enseignants du primaire et du secondaire.

«On a déjà interdit le fait de pouvoir faire la promotion de son allégeance politique dans la fonction publique. Pourquoi ne pas aller au devant des problèmes qu'on pourrait avoir éventuellement ? - parce que peut-être qu'il n'y a pas d'urgence actuellement, mais je suis aussi de ceux qui croient qu'il pourrait y avoir des urgences éventuelles Prenons le taureau par les cornes maintenant. N'attendons pas qu'il y ait effectivement plusieurs problématiques», a plaidé Martine Desjardins, ancienne présidente de la Fédération étudiante universitaire du Québec, aujourd'hui chroniqueure dans les médias.

Le sociologue Guy Rocher, qui a connu les batailles pour faire adopter la Loi 101 sous Camille Laurin, s'est rappelé ce qu'il a vécu 35 ans plus tôt. À l'époque, les opposants disaient aussi que la Charte de la langue française divisait inutilement les Québécois, brimait des droits et causerait un exode du Québec, s'est-il rappelé.

Enseignante dans une école multiethnique montréalaise et d'origine algérienne, Leila Bensalem a rapporté que les demandes d'accommodements raisonnables abondent, qu'il s'agisse de nourriture halal, de dispense des cours d'éducation physique pour les filles ou à la piscine.

«Dans nos écoles, dans nos commissions scolaires, on est littéralement bombardé jour après jour, semaine après semaine, par les demandes d'accommodements raisonnables. On se demandait, au fil des années, quand quelqu'un allait enfin se mettre debout pour en finir avec les patates chaudes dans les écoles, qu'on s'arrange avec nos problèmes et qu'on se débrouille», a lancé Mme Bensalem.

En l'absence de balises claires, les autorités procédaient au cas par cas, ce qui a entraîné le cas des enseignants à la Commission scolaire de Montréal, dont certains de confessions religieuses minoritaires qui ont obtenu plus de journées de congé que leurs collègues de confession religieuse traditionnellement catholique. «C'est sûr que la Charte devrait apporter des réponses dans ce domaine-là», dans le domaine de l'enseignement, a opiné Mme Bensalem.

Le cofondateur de l'Association québécoise des Nord-Africains pour la laïcité, Ali Kaidi, a revendiqué le droit d'être identifié par sa citoyenneté et non par son appartenance religieuse.

Aux opposants à la Charte des valeurs québécoises qui disent qu'il s'agit d'un faux problème et qu'il n'y a ni urgence ni problème, Mme Desjardins demande: «S'il n'y a pas de problème à régler, pourquoi sommes-nous tant en train de nous déchirer et de discuter?»

Le Rassemblement pour la laïcité propose par ailleurs qu'une période de transition remplace le droit de retrait proposé jusqu'ici pour les universités ou municipalités, par exemple.

Il souhaite également que le crucifix de l'Assemblée nationale soit déplacé dans un autre lieu du parlement, afin d'être plus cohérent avec la laïcité de l'État, tout en reconnaissant qu'il fait partie du patrimoine du Québec.

Parmi les groupes favorables au projet de laïcité, on trouve le Mouvement laïque québécois, les Intellectuels pour la laïcité, l'Association québécoise des Nord-Africains pour la laïcité, l'Association humaniste du Québec, la Coalition laïcité Québec, le Syndicat de la fonction publique du Québec et même des militants de Québec solidaire regroupés sous le nom de Collectif pour la laïcité de Québec solidaire.

Parmi les personnalités favorables, on dénombre, en plus de l'ex-juge de la Cour suprême Claire L'Heureux-Dubé, l'ancienne candidate péquiste et auteure Djemila Benhabib, l'ex-ministre de la Culture Louise Beaudoin, l'ex-ministre péquiste de la Justice Paul Bégin, l'écrivain Jacques Godbout, la comédienne Patricia Tulasne, le professeur de droit Daniel Turp, l'économiste et ex-ministre péquiste Rodrigue Tremblay. Le chansonnier Paul Piché était également présent lors de la conférence de presse.