Si les universités et les représentants du milieu de l'éducation ont refusé de réagir au projet de Charte des valeurs ou l'ont fait avec une extrême prudence, plus de 200 intellectuels - en majorité des professeurs d'université et de cégeps - y vont d'une fronde concertée contre son adoption.

«Cette réactivation programmée des passions tristes et mesquines n'est pas à la hauteur des valeurs largement partagées ici comme ailleurs», peut-on lire dans cette lettre intitulée «Nos valeurs excluent l'exclusion» et cosignée entre autres par Michel Seymour, professeur de philosophie à l'Université de Montréal et Daniel Weinstock, professeur de droit à l'Université McGill.

Très en verve, les signataires espèrent que la «voix de la méfiance qui formule cette Charte soit couverte par celle, plus tendre, avec laquelle Pauline Julien chantait jadis ce rêve de "chaleur", d'"amitié", de «pain à partager» avec «l'Arabe, le Noir, l'homme d'ailleurs, l'homme de partout».

La lettre est très dure envers le gouvernement Marois, «un gouvernement à la dérive» qui «n'a plus que la carte identitaire à jouer pour déjouer ses adversaires encore plus à droite et si possible diviser la gauche au nom de la laïcité".

Ce «fantasme d'une définition non conflictuelle de la collectivité québécoise» se transpose en une «banalisation de l'intolérance et de la stigmatisation fondée sur les stéréotypes». Cela ne fera que marginaliser davantage les communautés culturelles, selon les auteurs de la lettre, et particulièrement les femmes, déjà «plus souvent qu'autrement défavorisées par les rapports de pouvoir et de production dans lesquelles elles s'insèrent».

S'il a signé cette lettre, Daniel Weinstock dit que c'est parce que sa conscience professionnelle l'interpelle et qu'il doit utiliser toutes les tribunes possibles pour dénoncer cette Charte.

«Il n'y a actuellement aucun péril en la demeure qui légitime la limitation de droits individuels en une Charte à géométrie variable qui engendre toutes sortes d'inégalités et d'exceptions.»