Un leader autochtone du Manitoba compte se rendre en Iran en octobre, malgré la décision du gouvernement Harper de rompre les liens diplomatiques avec le régime de Mahmoud Ahmadinejad.

Terrance (Terry) Nelson croit que l'Iran peut l'aider à démontrer à la communauté internationale les traitements injustes dont sont victimes les peuples des Premières Nations au Canada. Il souhaite aussi trouver des investisseurs au Proche-Orient pour financer des projets de développement économique dans les réserves autochtones, dont des projets d'exploitation pétrolière.

Cette possible visite est très mal perçue par le ministre des Affaires étrangères, John Baird. «Le régime iranien tente maintenant d'exploiter les leaders autochtones canadiens et de feindre d'être préoccupé, dans le cadre d'une opération de relations publiques qui vise à détourner l'attention de son bilan odieux» en matière de droits de la personne, a déclaré hier son attaché de presse, Rick Roth. «Nous espérons que les leaders en question ne se laisseront pas utiliser comme pions dans la triste joute à laquelle les Iraniens s'adonnent.»

Mais M. Nelson n'a pas l'intention de se laisser dissuader et compte bien partir. 

«Nous devons parler aux Iraniens de la manière dont nous pouvons nous aider mutuellement, a-t-il expliqué à La Presse, qui l'a joint par téléphone. Ils font face à des sanctions économiques, et nous faisons nous aussi face à des sanctions économiques. C'est ce que je veux dire au gouvernement iranien et aux nations de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole.»

Rencontre avec Ahmadinejad?

Terry Nelson s'est rendu en Irak à la fin des années 90 pour observer les effets des sanctions économiques sur la population.

Il a confié hier qu'il comptait partir de Minneapolis le 8 octobre. Il espère obtenir un visa à Genève, en Suisse. Il a précisé que sa délégation compterait une dizaine de membres, dont au moins «quatre ou cinq chefs» qui auraient déjà démontré leur intérêt, et qu'elle pourrait être accompagnée par une équipe du réseau Canada Aboriginal Peoples Television Network (APTN).

L'ancien chef des Premières Nations de Roseau River, au Manitoba, est cependant resté vague quant aux rencontres prévues. Il a laissé entendre qu'une rencontre avec le président Mahmoud Ahmadinejad n'était pas impossible, mais il a indiqué qu'il n'avait pas encore acheté son billet d'avion.

Problème

Les liens entre Terry Nelson et le régime iranien se sont mis en place vers le printemps, lorsqu'il s'est rendu à Ottawa pour manifester auprès d'ambassades étrangères contre le traitement réservé aux Autochtones du Canada. Il avait alors rencontré des diplomates iraniens en compagnie de trois autres leaders.

L'Iran avait déjà dénoncé publiquement les conditions de vie des membres des Premières Nations.

Le politologue Houchang Hassan-Yari voit ce dossier comme l'un des nombreux problèmes qui ont empoisonné les relations entre le Canada et l'Iran et qui ont pu mener le gouvernement Harper à rompre ses liens diplomatiques avec Téhéran la semaine dernière.

«Si on met ensemble toutes ces questions, on peut peut-être arriver à un tableau un peu plus clair» pour expliquer la décision canadienne, a déclaré M. Hassan-Yari, professeur à l'Université Queen's et au Collège militaire royal du Canada.

Le personnel diplomatique iranien a jusqu'à aujourd'hui pour quitter le Canada.

Dans une déclaration diffusée hier, le chargé d'affaires de l'ambassade, Kambiz Sheikh-Hassani, a qualifié cette décision et la manière dont elle a été mise en oeuvre d'«imprudente», de «non civilisée» et d'«hostile».