Le déménagement prochain par Air Canada de plus de 130 emplois montréalais vers l'Ontario crée des tensions linguistiques au sein de l'entreprise, où des syndicats craignent que les employés ne puissent plus travailler en français comme le veut la politique de l'entreprise.

La Presse a révélé, en octobre, que le transporteur aérien va déménager à Brampton, en banlieue de Toronto, ses deux équipes responsables des affectations des pilotes et du personnel en cabine. Ces services névralgiques actuellement établis à Montréal travaillent 24 heures sur 24, 365 jours par année.

Ce sont des spécialistes qui s'assurent de trouver pour les vols un pilote et un équipage au bon moment, au bon endroit, en suivant de près tout retard ou toute perturbation des horaires.

«Souvent, on fait plus qu'aider les agents de bord, on est presque des psychologues, on est en contact étroit avec eux», explique Marcel Rondeau, responsable du dossier au syndicat des Travailleurs canadiens de l'automobile, qui représente les employés montréalais touchés.

Selon M. Rondeau, 99% des employés de ces équipes montréalaises parlent français. Ils pouvaient donc servir dans leur langue les 2600 agents de bord francophones de l'entreprise et les nombreux pilotes qui préfèrent la langue de Molière.

Mais les consultations internes du syndicat révèlent que 95% des employés montréalais n'ont pas l'intention de déménager en Ontario. Air Canada devra donc embaucher plus d'une centaine de nouveaux spécialistes à Brampton. Les syndiqués craignent que le service en français écope. Le syndicat des agents de bord aurait aussi manifesté son inquiétude.

«On est convaincus que si le service est reconstruit à Toronto, sous une direction anglophone, il va devenir presque unilingue anglais. Les agents de bord et les pilotes vont-ils pouvoir parler en français quand ils vont appeler? Air Canada dit qu'ils vont essayer d'avoir des employés capables de parler français en tout temps, mais c'est loin d'être sûr qu'ils seront capables de faire ça en Ontario», s'inquiète M. Rondeau.

Celui-ci trouve aussi insultant que la fermeture du service montréalais ait été annoncée en anglais par un patron venu de Toronto.

À la direction, la porte-parole Isabelle Arthur nuance en précisant que le patron en question était entouré d'adjoints qui pouvaient répondre à toute question dans les deux langues officielles de l'entreprise.

Elle souligne qu'Air Canada prend toujours très au sérieux ses obligations légales relatives au français et que les employés pourront continuer de travailler dans leur langue.

«Dans les futures embauches, on s'assure toujours qu'il y a du personnel bilingue. C'est un grand défi, quand on sait que le pourcentage de francophones diminue dans la population à certains endroits. Mais nous offrons le service bilingue à nos employés et nous allons continuer de le faire même s'il y a un transfert du service», dit-elle.