L'astrophysicien Hubert Reeves a publié un communiqué hier matin pour exiger que l'Institut Hubert-Reeves ne porte plus son nom, après que La Presse eut révélé les relations entre cet institut et des sociétés de prospection d'uranium, ainsi que ses prises de position sur le Plan Nord.

«Ayant pris connaissance d'articles et de rumeurs insistantes mettant en cause l'Institut Hubert-Reeves, je ne puis plus longtemps laisser mon nom associé à cet organisme. Cette décision est sans appel», a indiqué M. Reeves, dans un communiqué envoyé de Paris, où il habite.

L'Institut Hubert-Reeves a été fondé en 2009, officiellement pour ouvrir un musée de l'astroblème de Charlevoix, aux Éboulements, ainsi qu'un parc géologique. Cet astroblème (ou cratère) a été créé par l'impact d'une grosse météorite, il y a 340 millions d'années.

Dès sa création, une équipe de chercheurs de l'Institut a procédé à des travaux de terrain dans les monts Otish avec le soutien d'entreprises spécialisées dans l'exploration d'uranium et intéressées au Plan Nord.

En octobre 2010, les dirigeants de l'Institut affirmaient que M. Reeves leur avait demandé de préparer un Symposium international sur l'énergie nucléaire. «Au Québec, on a un sérieux problème de compréhension en cette matière», affirmait le président du conseil de l'Institut, Serge Genest, également propriétaire du Groupe Omégalpha, firme spécialisée dans les conseils en exploitation minière.

«M. Reeves espère qu'on pourra faire la lumière sur le sujet, ajoutait M. Genest. C'est important comme mandat, et pour notre rayonnement et notre positionnement.»

L'attachée de presse de M. Reeves, Nelly Boutinot, a remis les pendules à l'heure, hier. «Inutile de vous rappeler son souhait (de M. Reeves) d'une sortie progressive du nucléaire», a-t-elle écrit à La Presse. Selon elle, M. Reeves avait peut-être donné son accord à un symposium sur l'énergie, mais sans qu'il soit «restreint au nucléaire».

En novembre 2010, M. Reeves a écrit à l'Institut, lui demandant de ne faire aucune «promotion d'une technologie ou d'un processus industriel en son nom». Serge Genest a alors envoyé un courriel aux membres du conseil d'administration de l'Institut, affirmant que M. Reeves était «dépassé».

Il a été impossible de parler à M. Genest, mais la directrice des communications de l'Institut, Louisiane Gauthier, a dit que ce courriel voulait simplement dire que M. Reeves «était dépassé par ce qui se passait à l'Institut». «On peut penser que c'était méprisant, mais moi, je ne l'ai pas entendu (comme ça)», a-t-elle dit.

Par ailleurs, Mme Gauthier a dit qu'il était faux de prétendre que l'Institut faisait la promotion du nucléaire ou qu'il collaborait avec des entreprises de prospection d'uranium. Encore sous le choc de la décision de M. Reeves de retirer son nom, elle lui a écrit «en lui disant que je comprenais sa décision parce qu'à 80 ans, tu ne veux pas entrer dans une controverse».

Il y a deux mois, l'Institut Hubert-Reeves a remis un mémoire au ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, «dans le cadre de sa consultation publique sur le Plan Nord». Il demandait la possibilité de faire des forages à des fins de recherche scientifique dans le territoire visé par le projet de parc Albanel-Témiscamie-Otish.

«C'est sur ce territoire que les projets d'exploration minérale et d'exploitation minière risquent le moins de déranger les populations, lesquelles sont de plus en plus réfractaires au développement minier, pourtant nécessaire au développement durable de la planète», indique le mémoire.

Mme Gauthier a dit qu'il était trop tôt pour savoir comment l'Institut poursuivra ses activités. Quoi qu'il en soit, il devra changer de nom. «L'Institut Hubert-Reeves, c'est devenu l'Institut sans Hubert Reeves», a résumé l'attachée de presse de l'astrophysicien.