La Commissaire à l'information du Canada estime que la décision du gouvernement Harper de détruire les données du registre des armes d'épaule constitue un déplorable précédent.

Suzanne Legault a affirmé devant un comité des Communes, mardi, que le projet de loi des conservateurs prévoyant l'abolition du registre des armes d'épaule - et la destruction des millions de données qu'il contient - constitue une violation de l'esprit de la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada.

Mme Legault a aussi indiqué qu'à titre de commissaire à l'information, elle était particulièrement inquiète des répercussions d'une telle décision sur la gestion de l'information gouvernementale.

Mme Legault est l'ombudsman pour les citoyens qui ont recours à la Loi d'accès à l'information afin d'obtenir des documents du gouvernement fédéral. Plusieurs de ces dossiers sont conservés par Bibliothèque et Archives Canada, qui est chargé de les préserver au bénéfice des générations futures.

Selon Mme Legault, l'Archiviste national est la personne la mieux placée pour superviser la gestion des documents fédéraux.

Le projet de loi, présenté le mois dernier aux Communes, mettrait un terme à l'enregistrement des armes d'épaule, en plus de détruire de façon permanente plus de sept millions de dossiers sur les propriétaires d'armes à feu. Ce projet de loi dérogerait par ailleurs à des clauses de la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada et de la Loi sur la protection des renseignements personnels, afin de permettre une telle destruction de données.

Les conservateurs ont justifié leur projet en soutenant que le registre des armes à feu était coûteux et inutile, bien qu'ils soient d'accord avec l'homologation pour les propriétaires d'armes et l'enregistrement des armes proscrites ou restreintes, comme les armes de poing.

L'Association des archivistes du Canada a récemment écrit au ministre fédéral de la Sécurité publique, Vic Toews, soutenant que le fait de détruire des données par «opportunisme politique», tout en faisant fi de la législation existante, «constitue un précédent très dangereux pour les lois futures et les méthodes de gestion de documents».

Le député conservateur Garry Breitkreuz a toutefois argué, mardi, qu'il serait irresponsable de remettre les données du registre aux archives nationales, puisqu'elles contiennent plusieurs erreurs.

«Les archivistes veulent une information exacte. Ils ne voudraient pas recueillir une importante quantité d'informations erronées», a-t-il plaidé.

Le gouvernement du Québec souhaite récupérer les données fédérales afin de créer son propre registre des armes à feu. Mais la demande de Québec s'est butée à une fin de non-recevoir de la part du gouvernement de Stephen Harper.

La Commissaire à la protection de la vie privée, Jennifer Stoddart, a quant à elle souligné qu'aucune loi fédérale n'empêche le partage avec les provinces des données du registre des armes à feu.

Devant le comité parlementaire mardi, Mme Stoddart a pressé le gouvernement de faire preuve de prudence avant de détruire les données, soulignant les réglementations qui exigent des institutions qu'elles conservent l'information pendant au moins deux ans.