En apparence, la Terrasse grecque de Cowansville est un restaurant sans histoire. En réalité, l'établissement de 260 places est un modèle d'instabilité financière, qui a fait perdre plus de 2 millions de dollars au fisc.

Depuis 15 ans, le restaurant situé au 714, rue du Sud, angle Léopold, a été détenu par cinq entreprises différentes. En excluant le propriétaire actuel, les quatre entreprises précédentes ont déclaré faillite ou fermé à la suite de saisies du fisc ou de la banque.

Les actionnaires ou administrateurs de ces entreprises sont issus de la même famille. Les deux soeurs et les deux beaux-frères de la famille Tsamis-Vamvakas se sont échangé la propriété des entreprises durant tout ce temps. Et l'un après l'autre, ils ont, eux aussi, fait faillite.

L'homme d'affaires Peter Anastopoulos et la firme d'avocats Kounadis Perreault sont les seuls éléments stables du restaurant depuis 15 ans, selon les documents publics. Le premier est propriétaire de l'immeuble qui abrite le resto depuis 1997, tandis que la seconde a agi à titre de cabinet d'avocats pour toutes les entreprises qui ont été propriétaires du resto depuis 1997, de même que pour les entreprises de Peter Anastopoulos.

Autrement dit, Kounadis Perreault a été le cabinet d'avocats du propriétaire de l'immeuble et des quatre entreprises locataires.

Joint au téléphone, Peter Anastopoulos nous a dit qu'il est au courant des problèmes des restaurateurs avec le fisc, mais que son rôle s'arrête là. «Moi, je suis le proprio de la bâtisse. Ils me paient le loyer. Chaque fois, ils ont des problèmes avec les taxes. Mais moi, j'ai besoin de quelqu'un pour exploiter le restaurant. Maintenant, depuis juin 2010, c'est moi qui exploite le resto parce que je n'avais plus le choix», dit-il.

Après quelques tentatives, nous avons réussi à communiquer avec un membre de la famille Tsamis-Vamvakas, Demetrios (Jimmy) Tsamis. Ses réponses étaient toutefois vagues et M. Tsamis a été incapable d'expliquer l'historique de l'établissement, se disant aujourd'hui un simple salarié.

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Voici un aperçu de l'histoire financière du resto, selon les documents publics retracés par La Presse:

1997: un différend avec le fisc

De 1995 à 1997, la Terrasse grecque est détenue par la société à numéro 2739-7058 Québec inc., dont les actionnaires sont notamment Demetrios Tsamis et Michel Vamvakas. Le resto change de main à l'été 1997 à la suite d'un différend avec le banquier et le fisc. Deux ans plus tard, le duo Tsamis-Vamvakas déclare faillite sous la pression du fisc.

2001: les chaudrons saisis par la banque

En 1997, la famille Tsamis-Vamvakas réussit à poursuivre l'exploitation du resto en obtenant un prêt de la Banque Royale. L'établissement change de nom et devient la Terasse du Sud. Officiellement, c'est la femme de Demetrios Tsamis qui en est l'unique actionnaire, Maria Batsakis, par l'entremise de la société 9053-0031 Québec inc. L'aventure tourne au vinaigre au printemps 2001, lorsque la Banque Royale saisit tous les équipements (cuisinières, chaises, tables, etc.) pour défaut de paiement. Le resto est géré durant quelques mois par le proprio de l'immeuble. En août 2001, Maria Batsakis déclare faillite, incapable de payer une dette d'environ 250 000$, dont la moitié est due au fisc.

2005: une perquisition pour évasion fiscale

En 2001, Matina Batsakis Vamvakas, la soeur de Maria Batsakis et conjointe de Michel Vamvakas, entre en scène. Elle devient l'unique actionnaire du resto par le truchement de l'entreprise 9100-2857 Québec inc. L'établissement reprend le nom de Terrasse grecque. Mais encore une fois, l'aventure tourne court: au printemps 2005, le fisc fait une perquisition dans le restaurant pour évasion fiscale. Revenu Québec estime que les trois quarts des ventes du resto n'ont pas été déclarés entre 2001 et 2003 et que l'entreprise lui doit près de 300 000$ de TVQ. Incapable de payer, 9100-2857 Québec inc. déclare faillite à l'été 2005 et Mme Vamvakas fait de même au début de 2008, avec une réclamation globale du fisc de près d'un million de dollars.

2010: les chaudrons saisis par le fisc

Malgré les démarches du fisc, le resto poursuit ses activités, en 2005, cette fois sous le numéro 9103-1237 Québec inc., avec comme unique actionnaire officiel Michel Vamvakas, conjoint de Matina. Mais le manège recommence: en mars 2010, le fisc saisit les équipements pour des impôts impayés de 222 000$. Le propriétaire de l'immeuble, Peter Anastopoulos, s'oppose à la saisie, affirmant que les équipements lui appartiennent. Il dépose en preuve le bail du resto, signé par 9100-2857 Québec inc. Le hic, c'est que cette entreprise n'existe plus depuis cinq ans, ayant fait faillite en tant qu'ancien proprio du resto. Une tierce entreprise intervient alors au dossier et offre au fisc de racheter les équipements pour 7500$. La firme d'avocats Kounadis Perrault représente trois parties: la firme saisie par le fisc, le proprio de l'immeuble et l'entreprise qui rachète les équipements.

2011: la 2e génération prend le relais

Aujourd'hui, l'établissement continue de servir des repas. Il est détenu depuis 2010 par une nouvelle entreprise à numéro, soit 9055-1284 Québec inc. Cette firme est la propriété de la famille Anastopoulos, mais elle est présidée officiellement par Kristina Tsamis, fille de Demetrios Tsamis. Ce dernier ne peut administrer l'entreprise, puisqu'il a fait une faillite personnelle en mai 2011, sa deuxième en 12 ans. Il avait accumulé 538 000$ de dettes, dont 363 000$ dus à Revenu Québec.