Une entreprise de recyclage, une cimenterie, une piste de karting, un terrain d'entraînement de golf, un supermarché asiatique, un chapiteau du Cirque du Soleil, une plage... En circulant dans la rue Cherry vers le sud, vers le lac Ontario, les terrains de la partie est du port de Toronto (appelés communément les Port Lands) présentent une succession hétéroclite d'immeubles rouillés et de terrains vagues sans âme.

Mais que dire de la vue! Au sud, la presqu'île du parc Tommy Thompson, et l'immensité du lac Ontario qui scintille au soleil. À l'est, les îles qui encerclent l'anse qui protège le port. Et au nord, les gratte-ciel du centre-ville, et la tour du CN au premier plan.

Un formidable terrain de jeu pour urbanistes visionnaires. Et c'est exactement le consensus auquel en était arrivé Waterfront Toronto, l'agence chargée de la mise en valeur des rives de la cité. Au cours des 10 dernières années, Waterfront Toronto a mené de nombreuses consultations publiques, étudié les impacts environnementaux (les terrains, on s'en doute, sont contaminés) et sollicité l'avis des «starchitectes» de la planète. «Nous sommes absolument ravis du travail de Waterfront Toronto», dit John Wilson, à la tête d'un mouvement citoyen qui réclame la restauration de l'embouchure de la rivière Don.

Ce n'est pas le cas de tout le monde. «Ils ont dépensé des centaines de millions de dollars jusqu'ici. Et il n'y a toujours rien!», dit Mike Brown, employé municipal retraité, rencontré dans la banlieue d'Etobicoke. Les sommes donnent en effet le vertige: près de 900 millions de dollars ont été dépensés jusqu'ici par les trois ordres de gouvernement pour financer les travaux de l'agence...

D'où la proposition de Doug Ford de récupérer dans le giron municipal le lotissement des terrains pour en accélérer la vente aux promoteurs, et augmenter les revenus de la Ville. Le tollé soulevé par la «vision d'un autre siècle» proposée par le conseiller Doug a surpris les Torontois eux-mêmes, qui ignoraient pour la plupart ce qui mijotait pour les Port Lands.

Après avoir vu plusieurs conseillers alliés leur tourner le dos, les frères Ford ont dû battre en retraite. Waterfront Toronto conservera finalement la mise en valeur du port, mais devra accélérer la cadence pour que la Ville commence à retirer des revenus de l'aventure.

Sans appuyer les propositions des frères Ford, l'économiste Frank Clayton croit tout de même que le projet est trop lent, trop cher et trop ambitieux, notamment sur le plan environnemental. «Six cents millions pour l'environnement, est-ce que ça en vaut vraiment la peine? dit-il. Personne ne viendra à Toronto pour visiter le port, ce n'est pas une attraction touristique.»

«Pouvons-nous au moins essayer d'en faire quelque chose d'extraordinaire? Sinon, nous ne sommes alors qu'une ville de troisième rang», dit John Wilson. «Mais Toronto est une grande ville, réplique Frank Clayton. On n'a rien à prouver à personne!»

27%

Proportion de Torontois qui auraient voté pour Rob Ford si des élections avaient été tenues à la mi-septembre

54%

Proportion de Torontois dont l'opinion sur Rob Ford s'est dégradée depuis les élections de 2010

Source: sondage téléphonique Forum Research tenu le 13 septembre auprès de 12 848 Torontois, avec une marge d'erreur de plus ou moins 0,9 point de pourcentage, 19 fois sur 20.