Lorsque Jimmy Collard-Fournier a été embauché par une compagnie de signalisation routière, en 2008, il a appris les méthodes de travail «comme ça se faisait dans le milieu»: en imitant ses collègues.

Un mois et demi après son embauche, le jeune homme de 19 ans est tombé du marche-pied arrière d'un camion, à Laval. Les médecins n'ont rien pu faire: il a succombé à ses blessures à la tête.

Selon le coroner Jean Brochu, ce cas illustre «le phénomène d'insouciance contagieuse» dans l'industrie de la construction, où la sécurité est d'abord perçue comme la responsabilité de chaque travailleur. Dans un rapport émis mardi, le Dr Brochu émet plusieurs recommandations pour «changer la culture» de l'industrie en responsabilisant les entrepreneurs, mais aussi les donneurs d'ouvrage.

Trois décès évitables

Jean Brochu a investigué les décès de trois travailleurs de la construction: Yves Beauchamp, 48 ans, écrasé par une pelle mécanique en 2008; Donald Bujold, 47 ans, blessé mortellement par une découpeuse à disque en 2009, et Jimmy Collard-Fournier.

Dans les trois cas, les victimes travaillaient pour des sous-traitants. «Ni le donneur d'ouvrage, ni chacun des entrepreneurs qui accordaient en cascade des contrats en sous-traitance ne se formalisaient vraiment d'une responsabilisation du sous-traitant à l'égard de la sécurité des personnes», a souligné le Dr Brochu lors d'une conférence de presse à Montréal.

En vertu de la loi, les entrepreneurs (maîtres d'oeuvre) sont responsables d'assurer la sécurité des employés.

Recommandations

Au lieu d'émettre des recommandations précises aux entrepreneurs en cause, Jean Brochu a préconisé «une autre façon de faire»: responsabiliser les donneurs d'ouvrage, c'est-à-dire le ministère des Transports, les villes et les propriétaires.  

Il recommande à la ministre du Travail du Québec, Lise Thériault, de modifier la loi pour que les appels d'offres, plans et devis des donneurs d'ouvrage contiennent une section sur la santé et sécurité au travail. Les soumissionnaires seraient obligés de compléter cette section en quantifiant les coûts rattachés à ces équipements et techniques.

De plus, le coroner recommande à la ministre d'examiner la pertinence de créer un bureau général ou un poste de conseiller responsable de la prévention des accidents de travail pour exercer une veille sur les accidents de travail.

Jean Brochu propose également aux associations représentatives de l'industrie de développer des normes de gestion sécuritaire et un mode de formation et d'encadrement pour responsabiliser les gestionnaires.

La mère de Jimmy Collard-Fournier, Nancy Collard, juge ces recommandations insuffisantes. Elle estime qu'il faut d'abord responsabiliser les sous-traitants: «il faut que chaque employeur prenne le temps d'expliquer la base à ses employés», a-t-elle dit.

La fille d'Yves Beauchamp, Andréanne, estime que les recommandations «peuvent faire une différence... si elles sont appliquées.»

L'équipe de Lise Thériault «accordera une attention particulière aux recommandations pour voir ce qui pourrait être fait», a indiqué son attaché de presse, Harold Fortin.