Une Algérienne de 81 ans qui souhaite obtenir sa résidence permanente au Canada se retrouve dans un imbroglio administratif. Cinq ans après avoir fait affaire avec un conseiller en immigration, son dossier n'est toujours pas réglé.

Fatma M'ahamed Bentoutaou a rencontré le conseiller en immigration Richard Yalaoui à la fin de l'année 2005. Elle souhaitait obtenir de l'aide pour envoyer une demande de résidence permanente pour des motifs d'ordre humanitaire.

Pour Mme Bentoutaou, il s'agissait d'une ultime tentative. Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) lui avait déjà refusé l'asile, en 2001, ainsi qu'une première demande de résidence permanente, en 2005.

Richard Yalaoui affirme avoir envoyé la demande dûment remplie et le paiement des frais administratifs de 550$ en mars 2006.

La conseillère en communications de CIC, Julie Lafortune, confirme que M. Yalaoui a envoyé une «lettre d'intention» en mars 2006 pour signifier que sa cliente enverrait une demande. Toutefois, «aucune nouvelle demande ou documents à l'appui figure au dossier de madame, a écrit Julie Lafortune dans un courriel. Nous n'avons aucune preuve confirmant sa réception à nos bureaux.»

Rencontré par La Presse à son bureau de Montréal, Richard Yalaoui a évoqué la possibilité que CIC ait égaré le formulaire. Il dit avoir fait une demande d'accès à l'information afin de le retracer, en vain.

«Le paiement a été encaissé, mais ils n'ont plus le dossier», a-t-il dit, sans toutefois pouvoir prouver cette affirmation.

Julie Lafortune maintient qu'»aucun paiement supplémentaire n'a été fait». «Étant donné que CIC traite au-delà d'un million de dossiers pas année, il est possible que des dossiers se perdent», a-t-elle toutefois convenu.

Accusations

Quoi qu'il en soit, les proches de Fatma M'ahamed Bentoutaou ont perdu confiance en Richard Yalaoui. En juin dernier, ils ont décidé de lui retirer le dossier après avoir appris que des accusations criminelles avaient été portées contre lui.

Le conseiller en immigration montréalais a été accusé de complots et de mariages feints dans le cadre de l'opération C-Devancer, menée par la GRC. Les policiers le soupçonnent d'avoir «conseillé ses clients sur la façon de faire pour contourner les lois régissant l'immigration au Canada en organisant notamment de faux mariages».

Fatma M'ahamed Bentoutaou soutient que son fils et elle ont versé près de 3000$ à Richard Yalaoui pour préparer sa demande. «J'ai dû ramasser, et ramasser», a dit la vieille dame, rencontrée dans son logement de l'est de Montréal.

M. Yalaoui affirme plutôt avoir travaillé de façon bénévole pour Mme Bentoutaou. «L'argent que j'ai reçu, c'était pour les autres dossiers de son fils, à qui je donnais des conseils juridiques», a-t-il soutenu.

Le fils, Khaled Bentoutaou, a été arrêté en 2007 pour une affaire de fabrication de fausses cartes de crédit. En novembre 2009, il a été de nouveau arrêté dans le cadre de l'opération C-Devancer de la GRC. Les policiers le soupçonnent d'avoir fait partie d'un réseau de fraudeurs de faux documents qui utilisaient des garderies comme couverture.

Le nouvel avocat de Fatma M'ahamed Bentoutaou, Me Stéphane Handfield, a envoyé une autre demande de résidence permanente au début du mois de décembre. Il espère qu'elle sera traitée dans les plus brefs délais. «Je souhaite que CIC tienne compte du fait que ma cliente est une victime dans toute cette histoire», a-t-il dit.