Le gouvernement Harper a peut-être fait d'une pierre deux coups en décidant en juillet 2009 d'imposer un visa aux Mexicains qui veulent séjourner au Canada.

L'objectif premier de cette mesure était de freiner la hausse vertigineuse des demandes d'asile de la part de ressortissants mexicains depuis quelques années.

 

Mais cette décision, qui provoque toujours la colère du gouvernement mexicain, pourrait aussi perturber le trafic de cocaïne entre le Mexique et le Canada. C'est du moins ce que l'Agence des services frontaliers du Canada suggère dans un rapport trimestriel sur le commerce de la drogue daté de septembre 2009 et que La Presse a obtenu en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Dans ce rapport d'une vingtaine de pages, l'ASFC constate une nouvelle tendance dans le trafic de la cocaïne à la suite des violents affrontements entre les cartels de la drogue et les autorités policières au nord du Mexique, tout près de la frontière avec les États-Unis: de plus en plus de personnes tentent d'importer de la cocaïne au Canada en avalant la marchandise avant de prendre l'avion.

Cette tendance risque de s'accentuer dans la foulée des mesures de sécurité plus importantes prises par les autorités américaines après l'assassinat, en mars, d'une employée du consulat des États-Unis à Ciudad Juárez et de son mari.

Cette semaine, le président américain Barack Obama a annoncé l'envoi de 1200 soldats de la Garde nationale le long de la frontière, et a demandé au Congrès de débloquer 500 millions de dollars supplémentaires pour sécuriser cette zone longue de 3200 km. Ces 1200 soldats viendront rejoindre 300 gardes nationaux déjà sur place pour prêter main-forte aux douaniers américains.

«Les vols en provenance du Mexique ou transitant par ce pays continuent de poser un risque très élevé en ce qui a trait aux tentatives d'importer de la cocaïne. De récents rapports des services de renseignements internationaux et les saisies confirment que les vols en provenance du Mexique demeurent une menace constante», peut-on lire dans le rapport de l'ASFC.

Recrutement de coursiers

«Des ressortissants canadiens et mexicains sont recrutés pour agir comme coursiers. Toutefois, le nombre de ressortissants mexicains risque d'être moins important à la suite de la décision du Canada d'exiger un visa des Mexicains désirant voyager au Canada à partir du 14 juillet 2009», ajoute-t-on dans le rapport.

L'ASFC croit qu'il est possible que les cartels de la drogue tentent de contourner ce nouvel obstacle en recrutant davantage de Canadiens pour assurer le transport de leur marchandise jusqu'au Canada.

L'agence rapporte d'ailleurs un incident en particulier survenu le 30 mai 2009 au cours duquel une Canadienne de 24 ans a été interceptée alors qu'elle franchissait un poste de contrôle à l'aéroport de Mexico. Les détecteurs ont relevé une anomalie sous ses vêtements. Après une fouille approfondie, les agents de sécurité ont découvert un sac de 2 kg de cocaïne enveloppé autour de son torse.

Au ministère de la Sécurité publique, Chris McCluskey, porte-parole du ministre Vic Toews, n'a pas offert de commentaire sur la conséquence de l'imposition du visa sur le trafic de la cocaïne. Mais il a affirmé que le gouvernement fait de la lutte contre la drogue une de ses priorités.

Par ailleurs, la hausse marquée des demandes d'asile de la part de Mexicains était en grande partie liée à la guerre sans merci que se livrent les cartels de la drogue au Mexique. Avant que le Canada n'impose le visa, l'an dernier, le Mexique était en effet devenu «le principal pays source» de demandeurs d'asile.

En 2008, par exemple, près du tiers des 36 895 demandeurs d'asile étaient originaires du Mexique, un pays qui fait partie de l'Accord de libre-échange nord-américain avec le Canada et les États-Unis. Plusieurs des requérants mexicains avaient cité la montée de la violence liée à la drogue comme raison pour réclamer l'asile au Canada. Au cours des trois dernières années, les tueries liées aux cartels de la drogue au Mexique ont fait près de 15 000 morts.

Avec William Leclerc