Des milliers de producteurs agricoles ont manifesté, mercredi, devant les bureaux montréalais du premier ministre Jean Charest pour l'inciter à rejeter l'Accord sur le commerce intérieur qu'il doit ratifier jeudi, à Whitehorse, avec ses homologues des autres provinces.

L'Union des producteurs agricoles (UPA) soutient que l'accord menace la spécificité de l'agroalimentaire québécois, notamment le mécanisme de gestion de l'offre, les règles d'étiquetage et les normes de composition des aliments.

Selon le puissant lobby agricole, si cet accord devait entrer en vigueur, toute réglementation perçue comme une entrave au commerce pourrait faire l'objet d'une plainte d'une entreprise ou d'une province.

Le ministre de l'Agriculture, Claude Béchard, soutient que le Québec pourra défendre son agroalimentaire devant les autres provinces, une affirmation que rejette le président de l'UPA, Christian Lacasse.

«C'est tout à fait faux de prétendre, comme le font le ministre de l'Agriculture et le premier ministre, que l'on est arrivé à un «consensus canadien» en faveur de la gestion de l'offre, a lancé M. Lacasse. Je voudrais bien les croire, mais on ne retrouve pas cela dans les textes présentement.»

Il a rappelé que Québec a rejeté cet accord il y a un an, pour les mêmes raisons.

«L'an passé, les gens du gouvernement avaient analysé ces textes et en étaient arrivés à la conclusion que l'accord mettait à risque nos systèmes de gestions de l'offre, notre mise en marché collective, nos pouvoirs de juridiction. En vertu de ça, le Québec avait décidé de ne pas adopter cet accord l'an passé», a dit M. Lacasse.

«Cette année, sans qu'il n'y ait eu la moindre virgule de changée, le gouvernement du Québec est prêt à signer le même accord, les mêmes modalités que l'an passé. C'est complètement inacceptable», a-t-il ajouté.

Les manifestants, qui ont déambulé dans les rues du centre-ville mais en dehors des heures de pointe, offraient des pommes aux passants.

A l'issue de la manifestation, un porte-parole du ministre Béchard a expliqué en entrevue à La Presse Canadienne que le projet d'entente comporte bel et bien un consensus canadien au paragraphe 2 de l'article 902 de l'Accord sur le commerce intérieur, qui se lit comme suit: «... il est entendu que rien dans le présent chapitre ne doit être interprété comme empêchant une partie d'adopter ou de maintenir des mesures se rapportant aux systèmes de gestion de l'offre, réglementés par les gouvernements fédéral et provinciaux, et aux offices de commercialisation réglementés par les provinces».

L'ébauche précise que ces provisions visent la volaille, les oeufs et les produits laitiers, soit tous les produits sous gestion de l'offre au Québec.

Selon ce porte-parole, une telle provision représentera en fait une protection additionnelle des systèmes de gestion de l'offre face aux organisations internationales puisqu'elle confirme qu'il y a consensus au Canada en faveur de la gestion de l'offre.

Le bureau de M. Béchard a par ailleurs précisé que les protections touchant les normes et les règles sur l'étiquetage peuvent déjà être contestées dans l'état actuel des choses et que l'Accord sur le commerce intérieur n'y changera pas grand-chose.