À la veille de se terminer, le programme fédéral de dédommagement associé à l'utilisation de l'agent orange à la base militaire de Gagetown n'aura atteint qu'environ la moitié de la cible anticipée.

Alors qu'on s'attendait à verser une compensation à quelque 4500 personnes, seulement 2187 demandes ont été approuvées. Au total, 3395 personnes ont rempli une demande; 882 ont été refusées et les 326 autres sont en évaluation.

De fait, seulement la moitié des 96,5 millions de dollars mis de côté pour ce programme, qui prend fin le 1er avril, ont été dépensés. Le surplus retournera dans le fonds de roulement du gouvernement fédéral.

«Je voulais assez d'argent pour faire le travail, dit en entrevue à La Presse le ministre canadien des Anciens combattants, Greg Thompson. Après 40 ans d'attente et avec un manque d'informations, nous avons émis l'hypothèse qu'on pourrait avoir plus de demandes que prévu. On voulait se préparer à cela et ne pas avoir à retourner devant le Conseil des ministres pour demander plus d'argent.»

M. Thompson affirme que son ministère a fait le maximum d'efforts pour joindre d'éventuels bénéficiaires. En ce sens, il est satisfait des résultats.

Ce n'est pas l'avis de la députée Judy Sgrow, critique libérale en matière d'Anciens combattants. Selon elle, les critères d'admissibilité au programme étaient beaucoup trop limitatifs. «Cela explique l'excédent au budget de départ, dit-elle. Dans plusieurs dossiers, les conservateurs annoncent des programmes, mais leurs critères d'admissibilité sont si serrés que peu de gens peuvent y adhérer.»

Cette critique s'ajoute à celles formulées depuis des années par une association d'anciens combattants selon qui le ministère de la Défense a utilisé à Gagetown toutes sortes d'herbicides nocifs pour la santé entre 1956 et 1984. Le Ministère plaide quant à lui que seul l'agent orange était un produit non homologué et que l'aide offerte s'arrête là.

Le programme, qui porte officiellement le nom tortueux de «Paiements versés à titre gracieux en rapport aux essais de l'agent orange», a été annoncé le 12 septembre 2007. Celui-ci prévoyait le versement d'une somme forfaitaire et non imposable de 20 000$ à toute personne faisant la preuve qu'elle avait été affectée par les essais de l'agent orange à la base militaire de Gagetown (Nouveau-Brunswick) entre les mois de juin et de septembre 1966 et 1967.

Le principal critère d'admissibilité était que les réclamants devaient avoir reçu un diagnostic de problème de santé lié à l'exposition aux contaminants de l'agent orange. La liste des contaminants avait été dressée par l'Institute of Medecine de la US National Academy of Sciences. Quant aux maladies issues des épandages, elles varient de diverses formes de cancers (leucémie, voies respiratoires, prostate, etc.) à d'autres pathologies dont le spina bifida, le diabète de type 2, certaines maladies de peau, etc.

Le programme s'applique non seulement aux militaires, mais à toute personne ayant demeuré dans un rayon de cinq kilomètres ou moins de la base au cours de la période donnée. Les habitants d'une communauté autochtone voisine sont particulièrement visés.

Le ministre Thompson, qui ne manque pas l'occasion de dire que le programme a vu le jour sous les conservateurs et non les libéraux, estime qu'il était très difficile de lancer à l'avance un chiffre sur le nombre de personnes admissibles à une compensation. «Après 40 ans et le manque d'information, nous avions à remettre en place les pièces d'un puzzle très complexe», dit-il.

Même si le programme prend officiellement fin demain, M. Thompson assure que certaines requêtes acheminées en retard pourraient être considérées.