Le président de la FTQ, Michel Arsenault, assure que c'est lui qui a demandé au directeur général de la FTQ-Construction, Jocelyn Dupuis, de quitter son poste, après qu'il ait été mis au courant de ses dépenses exagérées.

Depuis, les règles de gouvernance ont été changées à la FTQ-Construction et il estime avoir fait maison nette.

Le président de la plus importante centrale syndicale du Québec a brisé le silence, vendredi, dans une entrevue exclusive à La Presse Canadienne sur la controverse entourant M. Dupuis, qui a fait l'objet de reportages à Radio-Canada et dans La Presse.

«Le ménage s'est fait dans deux semaines. Moi, quand j'ai été convaincu comme président de la FTQ qu'il y a eu du laxisme, de l'exagération dans les comptes de dépenses, j'ai demandé à Jocelyn Dupuis de quitter la FTQ-Construction», a lancé M. Arsenault d'un ton ferme.

Finalement, M. Dupuis lui a confirmé qu'il partait et que «la raison de son départ c'est qu'il avait droit à une pleine retraite et qu'il quittait», rapporte M. Arsenault.

Radio-Canada a évalué à 125 000 $ en six mois les dépenses de M. Dupuis, à l'époque.

M. Arsenault admet que les dépenses de M. Dupuis ont été approuvées par la FTQ-Construction, mais pas par la FTQ. A la FTQ, les syndicats sont autonomes, explique-t-il. «La FTQ est un rassemblement de syndicats. Chaque syndicat a sa propre autonomie, sa propre gestion. Je n'ai pas de lien hiérarchique avec la FTQ-Construction; j'ai par contre, à titre de président de la FTQ, un pouvoir moral.»

Quant à savoir si ce processus d'approbation des comptes de dépenses et d'émission de chèques à la FTQ-Construction était normal, M. Arsenault réplique que «c'était le processus à l'époque, basé sur la confiance des gens».

M. Arsenault insiste sur le fait que ce processus a été changé depuis. «J'ai exigé des explications et également des correctifs à leur système de paiement et de finances», relate-t-il.

«En deux semaines on a corrigé le tir. En deux mois on a établi de nouvelles règles de gouvernance», se targue-t-il, estimant que le ménage a été fait depuis et qu'il a pris ses responsabilités dès qu'il a été mis au courant des faits.

Il affirme avoir aussi exigé de présider lui-même l'élection du remplaçant de M. Dupuis, au scrutin secret. «Et je voulais que ce soit moi qui compte les votes. Et c'est ce qui a été fait.» Il affirme avoir pleine confiance en la nouvelle direction de Richard Goyette.

Il a aussi obtenu de pouvoir désormais vérifier à sa guise les finances de la FTQ-Construction en tout temps.

«Ca n'a pas coûté des millions de dollars ce que j'ai fait. Et ça n'a pas pris deux ans. Dans deux semaines, tout était fait», s'exclame M. Arsenault.

Le pot aux roses

C'est en septembre 2008, que M. Arsenault a été informé des faits concernant M. Dupuis.

«J'ai eu deux sources d'information sur Jocelyn Dupuis: une c'est les comptes de dépenses, la deuxième c'est que j'ai rencontré, durant la fin de semaine de la Fête du travail, un policier retraité de la GRC que je connais depuis fort longtemps, qui m'a informé que Jocelyn Dupuis était sous enquête dans une cause de blanchiment d'argent relié aux gangs de motards, etc. Moi je ne connais personne dans ces groupes-là. Et j'ai confronté Jocelyn Dupuis avec ça. Je lui ai fait part de ce que je savais: qu'il était sous enquête, je lui ai fait part des factures injustifiées, puis je lui ai demandé de partir. Il ne méritait plus d'être un permanent de la FTQ. Il ne méritait plus d'être associé à la FTQ ni à la FTQ-Construction», lance M. Arsenault.

Jamais la SQ



M. Arsenault est catégorique: jamais la Sûreté du Québec ne l'a informé d'une enquête dans le cadre de laquelle le nom de M. Dupuis aurait été soulevé.

«La Sûreté du Québec ne m'a jamais parlé. Tout ce que j'entends dire, c'est que la Sûreté du Québec parlerait à certains journalistes. Je n'ai jamais eu aucun contact personnel avec la Sûreté du Québec. Ils ne m'ont jamais appelé pour me dire "écoutez c'est possible qu'il y ait des gens chez vous qui sont dans le crime organisé ou qui essaient d'infiltrer la FTQ par le crime organisé". Si tel est le cas, qu'on me le dise, puis je vais faire le ménage dans la cabane, prenez ma parole», martèle-t-il.

«Si la Sûreté du Québec croit qu'il y a de l'infiltration du crime organisé à la FTQ, qu'ils m'en fassent part et je vais prendre mes responsabilités de président de la FTQ sans aucune hésitation. A la FTQ, sous ma présidence, on ne tolérera pas d'infiltration du crime organisé», lance-t-il.

M. Arsenault affirme n'avoir jamais entendu parler auparavant de rumeurs de liens présumés entre M. Dupuis et des gens du milieu criminel présent ou passé. Il ne fréquentait de toute façon pas M. Dupuis. «Il y a 800 ou 900 permanents à la FTQ», justifie-t-il.

M. Arsenault admet qu'il aurait préféré, oui, que cette histoire soit réglée à l'interne et ne soit pas étalée dans les médias. Il fait un parallèle avec une entreprise dans laquelle un cadre présenterait des comptes de dépenses exagérées.

«Ces employeurs-là n'appellent pas la police pour dire "mon vice-président vient de me voler 200 $". Ca se règle à l'interne. Et on fait pareil dans le milieu syndical.»