Tous les produits dérivés du phoque, de la peau à la graisse en passant par le pénis, devraient être interdits sur le territoire de l'Union européenne à compter du mois prochain.

Ce dur coup pour la chasse au phoque, qui privera les chasseurs canadiens d'un accès à un tremplin important vers le marché asiatique, a été annoncé hier matin. Après plus de deux ans de préparation, de négociations et de débats, une commission européenne a finalement tranché et adopté la résolution la plus dure, celle que le Canada et les quelques pays exportateurs voulaient à tout prix éviter. Une version adoucie de l'embargo, qui proposait un étiquetage obligatoire pour s'assurer que les animaux avaient été tués sans souffrance, a été rejetée.

 

L'embargo complet, avec une dérogation pour les Inuits et des communautés aborigènes, a été approuvé par 25 députés contre 7, sans aucune abstention, signe que «les positions étaient tranchées», a commenté le porte-parole de la commission. Cette interdiction devra maintenant être entérinée par le Parlement européen en séance plénière, peut-être dès le 1er avril prochain, quelques jours après l'ouverture de la chasse au phoque aux Îles-de-la-Madeleine.

«C'est une belle journée pour les phoques... et pour le Canada», a déclaré Rebecca Aldworth, directrice de la Humane Society International Canada, un des opposants les plus farouches à la chasse au phoque.

Comme tous ces groupes, HSI se méfiait énormément d'un amendement apporté par une responsable britannique, Diana Wallis, qui proposait d'obliger les pays exportateurs à s'assurer que les phoques soient abattus sans souffrance. Les produits seraient ensuite étiquetés en conséquence. «C'est un moment crucial, il fallait à tout prix que la commission évite le piège de l'étiquetage, précise Mme Aldworth. La chasse se passe trop loin pour que le gouvernement canadien puisse réellement superviser et apposer un sceau «sans souffrance».»

Un vent qui n'a pas tourné

Du côté des chasseurs, on se disait surtout «déçu» que les Européens n'aient pas été amadoués par leurs efforts pour humaniser la chasse au phoque. Depuis plusieurs années, les chasseurs suivent des séances de formation données par des vétérinaires pour s'assurer que les animaux souffrent le moins possible. Ceux des Îles-de-la-Madeleine ont eu des cours encore la semaine dernière. «Nous aussi, on a le respect de l'animal, dit Denis Longuépée, président de l'Association des chasseurs de loups marins des Îles. On s'assure que les phoques ne souffrent pas plus que des animaux en abattoir.»

L'adoption d'un embargo par l'Europe est un «désappointement total», reconnaît M. Longuépée, qui croyait pourtant que le vent avait tourné. «On avait de bons appuis en Europe, on pensait qu'on était sur la bonne voie. Mais là, c'est à nous de démontrer que ça n'a pas de fin, cette affaire-là. Après le phoque, ça va être quoi, le chevreuil?»

La proposition adoptée hier par la commission du marché intérieur était en gestation depuis septembre 2006, alors qu'une déclaration signée par 425 députés européens eut demandé la fin de la chasse au phoque. On prévoyait une exception pour les Inuits et certaines communautés aborigènes, qui représentent quelque 3% de la chasse.

Le Canada et le Groenland ont déjà prévenu l'Europe qu'ils contesteraient cet embargo devant l'Organisation mondiale du commerce. La chasse est également pratiquée à plus petite échelle en Russie, en Namibie, en Islande, en Norvège et aux États-Unis.

Chaque année, environ 300 000 phoques sont tués par des chasseurs canadiens, essentiellement des Îles-de-la-Madeleine et de Terre-Neuve, sur une population estimée à 6 millions. La chasse aux blanchons, âgés de moins de 12 jours, est interdite depuis 1987. Cette chasse procurerait quelque 8000 emplois directs au Québec et rapporterait quelque 15 millions de dollars en exportation, selon Pêches et Océans Canada. L'Europe, qui a multiplié les embargos partiels depuis deux décennies, n'est qu'un débouché marginal, mais assure l'essentiel du transit des produits du phoque vers l'Asie.

Les opposants à la chasse dénoncent le fait que 97% des bêtes tuées ont moins de 3 mois, sont sans défense et sont souvent abattues à leur première sortie ou à leur premier repas solide. Selon HSI, les chasseurs de phoque sont généralement des pêcheurs qui ne tirent qu'un revenu d'appoint de ces mammifères marins.