Adèle Sorella a témoigné presque toute la journée de mardi à son procès pour le meurtre de ses deux filles, Amanda et Sabrina. Elle a relaté, avec beaucoup d'émotion, que ses enfants étaient sa joie de vivre et comment une chirurgie pour enlever une tumeur au cerveau a été le début de problèmes physiques handicapants et la route vers la maladie mentale.

Les accusés ne sont jamais obligés de témoigner à leur propre procès, mais Mme Sorella a choisi de le faire, à la barre des témoins, au palais de justice de Laval.

Son témoignage est toutefois ardu : elle est sourde d'une oreille, dit-elle, et demeure avec une paralysie partielle au visage depuis la chirurgie pour la tumeur. Et puis, ses propos sont entrecoupés par ses pleurs.

S'adressant au jury en anglais, elle a raconté comment, enceinte de sa deuxième fille, Sabrina, elle s'est retrouvée à l'urgence de l'hôpital pour des vomissements. Rendue sur place, les médecins ont constaté une perte de son ouïe.

Mais elle a refusé la médication de cortisone offerte pour ne pas causer du tort à l'enfant qu'elle portait. Les médecins ont aussi suggéré la chirurgie au cerveau, mais elle a préféré attendre d'avoir donné naissance à Sabrina.

Après la chirurgie, sa vie a changé, a-t-elle expliqué. Un oeil ne fermait plus complètement, sa bouche était paralysée, elle perdait l'équilibre sans cesse. « Je ne pouvais plus sourire, je ne pouvais plus prendre mes enfants dans mes bras, je n'ai pu prendre soin d'eux pendant deux ans », a-t-elle relaté.

« J'étais un fardeau, je me sentais inutile. »

Les terribles maux de tête, la fatigue continue, « c'était le début de ma maladie mentale », a-t-elle fait valoir. « Je suis tombée dans ma maladie mentale et ma maladie mentale m'a tout enlevé. »

« J'étais brisée », a-t-elle résumé aux 12 membres du jury, qui écoutent avec attention.

Mais durant toute cette période, ses enfants étaient « ma raison de vivre, la seule chose dans ma vie qui m'apportait de la joie », a-t-elle ajouté.

En 2006, la police est venue chez elle pour arrêter son mari, Giuseppe De Vito, dans le cadre de l'opération Colisée, ciblant la mafia. Mme Sorella a déclaré dans la salle de cour qu'elle n'avait aucune idée que son mari était lié au crime organisé. « Je leur ai dit qu'ils faisaient erreur. » C'était surréel, a-t-elle soupiré. Mais son mari est parti en cavale.

Pour elle, ce fut la goutte qui fit déborder le vase sur son état mental, a-t-elle relaté.

Entre 2006 et 2008, elle dit avoir tenté de s'enlever la vie trois fois. Une fois en voulant se jeter par-dessus un viaduc, une autre fois en avalant le contenu d'une bouteille de Tylénol. « Je voulais que la douleur cesse. »

Elle a expliqué qu'elle ne cherchait qu'à se faire du mal à elle-même. Pas aux filles. « Je n'ai jamais essayé de leur faire du mal », a-t-elle déclaré, ajoutant qu'elle se sentait incapable de leur donner une vie heureuse.

Son procès devant jury a débuté le 12 novembre dernier, devant la juge Sophie Bourque de la Cour supérieure.

La Couronne tente de démontrer la culpabilité de la femme de 52 ans depuis quelques semaines.

Sa théorie de la cause est qu'elle est la seule qui ait eu l'occasion d'enlever la vie de ses deux petites filles ce jour-là.

Les fillettes, Amanda, âgée de neuf ans, et Sabrina, âgée de huit ans, ont été retrouvées sans vie par leur oncle dans la salle de jeu de leur maison de Laval, le 31 mars 2009, en après-midi. La cause de leur mort n'a pas été déterminée. L'accusée n'était alors pas chez elle.

Une chambre hyperbare se trouvait dans la maison, pour traiter l'arthrite juvénile de Sabrina.

Cette machine est au coeur de la cause.

Mardi, Mme Sorella a témoigné que c'est son mari qui l'a achetée - sans lui en avoir parlé - et que c'est lui qui la faisait fonctionner. Elle-même ne savait pas comment, a-t-elle dit au jury, et ne voulait pas prendre le risque de l'actionner.

Le jour où les petites filles ont été retrouvées mortes, la mère de Mme Sorella avait un rendez-vous et avait quitté la maison en matinée.

L'accusée a été arrêtée au cours de la nuit.

Un avocat témoigne

Plus tôt en matinée, le jury a pu entendre le témoignage de Me Jean-Daniel Debkoski. C'est lui qui a été réveillé en plein milieu de la nuit par un coup de fil d'un enquêteur de police, qui se trouvait en compagnie de Mme Sorella. Arrêtée et détenue au poste de police, elle exerçait son droit à l'avocat.

Me Debkoski a commencé à lui expliquer ses droits, a-t-il témoigné. Il lui a indiqué qu'elle était arrêtée pour le meurtre de ses enfants.

« Mais la dame me dit : Maître, c'est impossible, mes enfants sont vivants. »

Elle était si convaincue, dit-il, qu'il a demandé à reparler au policier, croyant à une erreur. Celui-ci a alors confirmé que les corps des enfants avaient été trouvés.

Il a alors reparlé à Mme Sorella, qui a insisté : les enfants ne sont pas morts, ils sont à la maison.

Me Debkoski dit avoir alors abandonné. Il a relaté au jury qu'il ne pouvait expliquer à l'accusée ses droits constitutionnels et « qu'elle devait être vue ».

Le témoignage de Mme Sorella va se poursuivre mercredi.